Au nom de l’amour, malgré la SP

Billet de Devin Meireles

À l’hiver 2012, ma copine et moi étions prêts à commenter un nouveau chapitre de notre vie. C’était notre dernier Noël chez nos parents, car nous étions sur le point de faire le grand saut : dans un mois, nous allions devenir propriétaires. Il nous avait fallu quatre ans d’épargne et de préparatifs pour concrétiser notre projet de condo neuf, mais rien ne nous avait préparés à ce qui nous attendait.

Environ un mois avant le grand déménagement, ma copine ne se sentait pas bien. Elle n’était plus elle-même. Du jour au lendemain, elle a perdu presque toute sensation dans ses pieds, puis dans ses jambes jusqu’à sa taille, comme si elle avait constamment des fourmis dans les membres. Comme si ses jambes étaient engourdies parce qu’elle avait mis de la pression dessus trop longtemps. La situation était pour le moins préoccupante, mais nous avons d’abord tenté de l’ignorer. Pragmatique, j’ai pensé qu’elle avait des doutes, qu’elle n’était plus certaine de vouloir emménager avec moi. Je me suis fait mille et un scénarios, tous pires les uns que les autres. La voyant nerveuse, j’ai commencé à remettre en question tout ce que nous avions bâti ensemble. Quel insensible! Après une semaine de symptômes, elle a commencé à vraiment s’inquiéter.

Lorsqu’elle a été admise au service d’urgence, j’ai compris la gravité de la situation. J’en étais abasourdi, et j’avais la conscience lourde. J’étais complètement impuissant. Après les heures de visite, je retournais pleurer dans notre condo vide, priant pour que tout s’arrange. Je ne suis pas une personne religieuse, mais c’est intéressant de constater que dans les moments sombres, on se tourne vers la prière. Mes sanglots résonnaient entre les murs du condo comme dans une chambre d’écho. Je me répétais sans cesse que je devais rester fort pour elle, lui tenant la main en essayant de demeurer calme.

Les médecins lui ont fait subir toute une batterie de tests, comme si elle était un cobaye. Elle a eu plusieurs prises de sang, et a été soumise à une tomodensitométrie et à un examen par IRM. La pire épreuve a cependant été la ponction lombaire, qu’elle a dû subir à deux reprises parce qu’un groupe de résidents a échoué la première fois. Elle a souffert le martyre alors qu’ils ont raté leur cible, comme de mauvais joueurs de fléchettes. Elle a donc dû refaire le douloureux exercice. Quand allait-elle enfin pouvoir quitter l’hôpital? Elle y est restée une semaine, et en est ressortie avec un diagnostic de sclérose en plaques.

Cette nouvelle dévastatrice venait assombrir ce qui devait être une belle étape de notre vie. Mais la vie a le don de nous mettre à l’épreuve au mauvais moment. Heureusement, les fourmillements sont disparus, et elle a rapidement commencé à prendre des médicaments pour prévenir une éventuelle poussée de SP. Les injections ont permis la prise en charge efficace de son état au quotidien, jumelées à la pleine conscience et à un mode de vie sain. Heureusement, sa maladie a été détectée tôt, avant qu’elle ne puisse faire des ravages.

Le diagnostic est tombé il y a 10 ans, et nous avons depuis accompli de grandes choses : nous avons adopté un chien, nous nous sommes mariés, nous avons fait des voyages mémorables et nous avons acheté une maison. Mais surtout, la santé de ma femme est restée bonne, malgré quelques petites lésions qui s’accumulent au fil des ans. Nous sommes toujours nerveux à l’approche de l’examen par IRM annuel, mais la situation demeure heureusement maîtrisable. Je dois avouer que ce n’est pas toujours facile, mais ma femme traverse toutes les épreuves avec courage et résilience. Certains jours sont plus difficiles que d’autres, mais nous sommes malgré tout choyés.

Ma femme m’a appris l’amour inconditionnel. On n’abandonne pas ceux que l’on aime. Elle est là pour moi aussi, pour m’encourager lors des moments difficiles. Nous nous soutenons toujours mutuellement, pour le meilleur et pour le pire. Tant que nous serons ensemble, il n’y aura rien à notre épreuve. C’est ainsi depuis le début. C’est ainsi que nous avons bâti une vie merveilleuse, et j’en serai éternellement reconnaissant.

La SP n’a pas ralenti ma femme. Elle est toujours présente, mais nous faisons tout en notre pouvoir pour la tenir à l’écart. Certains matins, les symptômes se manifestent sans avertissement : fatigue extrême, fourmillements, effets secondaires indésirables des médicaments. L’incertitude est ce qu’il y a de pire. Même les médicaments ont des effets imprévisibles, chaque injection menaçant de faire dérailler la journée. Il faut que je sois toujours prêt à apporter mon aide plus qu’à l’habitude, que ce soit en cuisinant, en faisant du ménage ou en sortant faire les courses. Ma productivité dépend parfois de l’état de ma conjointe, qui met cependant toujours les bouchées doubles, peu importe la situation.

Ma femme se donne corps et âme à ses passions, et elle est pour moi une véritable source d’inspiration. Je l’ai vue gérer un emploi à temps plein tout en démarrant son entreprise. Elle a toujours aimé planifier des événements, et elle est une hôtesse merveilleuse. Les mariages qu’elle organise sont couronnés de succès, et sa clientèle grandit sans cesse. Elle a même organisé un souper de gala en appui à la Société canadienne de la sclérose en plaques. Le somptueux événement a permis d’amasser des milliers de dollars. Je lui donne parfois un coup de main, mais elle est la véritable chef d’orchestre.

Avec une femme qui a la réputation d’organiser d’aussi fabuleuses soirées, imaginez de quoi a l’air le temps des Fêtes chez nous! Rien n’est laissé au hasard, et la table regorge de mets délicieux. Les murs et l’extérieur de la maison sont recouverts de décorations et de lumières. Le sapin trône, majestueux, au centre du salon. Les nappes et les couverts sont blancs, comme la neige à l’extérieur. Nous trinquons dans la joie, heureux d’avoir passé une autre année ensemble.

Même si c’est pendant les Fêtes que notre vie a basculé en 2012, cette période de l’année n’a rien de triste pour nous. Ma femme ne se définit pas en fonction de sa maladie, mais par sa force et son courage. Son attitude positive a eu un effet catalyseur qui lui a permis de surmonter toutes les épreuves. Elle a une énergie contagieuse qui m’inspire au quotidien. La sclérose en plaques l’a peut-être fait trébucher, mais elle n’est jamais tombée. Et si un jour elle tombe, je serai là pour la rattraper.

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