Les millénariaux et la SP : Andrea Veliz Garcia

Les millénariaux qui vivent avec la SP se posent des questions auxquelles la documentation sur la vie aux côtés de la SP ne répond pas.

Par exemple, comment trouver la force de répondre à des messages privés sur les réseaux sociaux quand on arrive à peine à sortir du lit? Comment composer avec le stress qui accompagne l’insécurité financière, en plus des préoccupations liées à la santé et au mieux-être? Quand est-il approprié de faire savoir à une personne dont on vient de faire la connaissance grâce à une application de rencontre qu’on vit avec la maladie neurologique la plus courante chez les jeunes Canadiens?

Nombreux à avoir reçu un diagnostic de SP dans la fleur de l’âge, les millénariaux ne sont pas seuls dans leur combat contre cette maladie. En 2021, les millénariaux vivant avec la SP se lancent sur le marché du travail, fondent une famille et poursuivent des études, et ce, durant l’une des pires crises que le monde aura connues depuis un siècle. Dans notre série de billets de blogue intitulée Les millénariaux et la SP, nous nous entretenons avec de jeunes adultes de tous les coins du Canada sur des sujets comme l’importance de prendre soin de soi, les médias sociaux, la santé mentale et les étapes de la vie avec la SP.

Cette semaine, nous discutons avec Andrea Veliz Garcia. Âgée de 32 ans, Andrea, qui est atteinte de SP, nous parle du cheminement qu’elle poursuit en vue de l’acceptation de cette maladie dans sa vie.

Q. : Quand vous a-t-on annoncé que vous aviez la SP? Qu’avez-vous alors ressenti?

R. : Lorsque j’ai reçu le diagnostic de SP, j’avais déjà eu deux symptômes : une névrite optique et la perte de sensations dans une jambe. Je me souviens exactement du moment où la perte de sensations s’est produite, ce fut assez mémorable. Je participais à la course « Colour me rad », au Parc olympique de Montréal, et j’ai soudainement perdu toute sensation dans une de mes jambes. Mes amis, qui me connaissent bien, ont tout de suite pensé que ma maladresse se manifestait de nouveau, car je suis assez maladroite dans la vie. Je suis donc tombée sur mon genou. J’avais vraiment l’impression d’avoir la jambe molle comme une pâte, et chaque fois que j’essayais de me lever, je retombais. Après cette aventure, j’ai fait une recherche sur Google à propos de mes symptômes et je suis tombée sur la page de la Société canadienne de la sclérose en plaques. J’ai ensuite passé un examen par IRM, et on m’a téléphoné pour me donner un rendez-vous au cours duquel on me communiquerait mes résultats en personne. C’est ainsi que le neuro-ophtalmologiste m’a dit froidement : « Tu as la sclérose en plaques. Est-ce que tu t’y attendais? » J’ai répondu par nervosité à la blague que Google m’avait déjà mis la puce à l’oreille. Sur le moment, je n’ai pas réagi, mais sur le chemin du retour vers la maison, dans le métro, j’ai commencé à sentir les larmes me monter aux yeux. J’ai ensuite appelé ma mère, qui était occupée et qui n’a pas répondu à mon appel. En arrivant à la maison, j’étais en pleurs. Mon chien, qui était dans la cour, m’entendait sangloter. Mais c’est seulement lorsque ma mère m’a rappelée que je me suis écroulée et que j’ai fondu en larmes. Mes émotions étaient si vives que je me sentais comme une bouteille de boisson gazeuse qu’on agite et qui finit par éclater.

Q. : Quels symptômes éprouvez-vous? Comment vous sentez-vous en raison de ces symptômes?

R. : Je vis actuellement avec beaucoup de fatigue. Je ressens même des étourdissements lorsque je suis trop fatiguée. Également, quand il fait trop chaud et que je fais du sport, j’ai des engourdissements dans les mains. La fatigue est particulièrement difficile pour moi, car elle fait partie de mon quotidien. Peu importe combien d’heures je dors, je ne me sens jamais totalement reposée.

Q. : Comment composez-vous avec vos symptômes?

R. : C’est une question de discipline. Je dois apprendre à me coucher plus tôt pour pouvoir finir mes journées. Également, il faudrait que j’améliore mon alimentation. En fait, la meilleure façon de faire, c’est de mieux se connaître et d’être à l’écoute des signaux que nous envoie notre corps. Mon corps a changé depuis le diagnostic, et c’est à moi de m’adapter. Je ne suis jamais à 100 % de mon énergie, je suis plutôt à 75 %-80 % de mon énergie en permanence.

Q. : Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que vous aviez la SP, comparativement à votre façon d’aborder cette maladie aujourd’hui?

R. : Lorsque j’ai reçu le diagnostic de SP, j’étais optimiste. Durant un certain temps, j’ai été envahie par l’idée que je pourrais être un poids pour les gens que j’aime, et cette pensée a complètement miné mon moral. En ce qui concerne l’acceptation de la maladie, ça doit faire deux ou trois ans que je vis mieux avec le diagnostic. J’y suis parvenue quand j’ai accepté et reconnu mes limites. Maintenant, je suis capable de refuser des invitations si l’énergie n’est pas au rendez-vous.

Q. : Avez-vous choisi un moment en particulier pour révéler votre diagnostic?

R. : Ma mère a été aux premières loges. Je l’ai appelée dès que je suis sortie du bureau du médecin. Mon père l’a ensuite su. Je sais que mes parents ont laissé quelques mois passer avant de l’annoncer aux membres de ma famille qui vivent au Guatemala et aux États-Unis. Culturellement, dans ma famille, ce n’est pas bien vu d’avoir une maladie comme la SP. Par expérience, je sais que la maladie n’est pas bien vue en Amérique du Sud. Selon la culture dans laquelle mes parents ont été élevés, tu dois être en forme pour travailler et tu ne peux pas être fatigué. Par contre, le fait de vivre au Canada a permis à mes parents de changer leur mentalité, mais pour ma famille éloignée, c’est plus difficile à comprendre.

Pour le reste des gens autour de moi, afin d’éviter le stress d’avoir à me préparer, je le dis d’emblée aux personnes que je rencontre que j’ai la sclérose en plaques. C’est principalement pour éliminer les stigmates. Parce que la maladie est encore associée aujourd’hui aux personnes plus âgées que moi et aux personnes en fauteuil roulant, mais je trouve ça important que les gens autour de mon moi aient une autre référence. Si je peux aider les gens à modifier leur perception et à comprendre que la maladie peut prendre diverses formes et être diagnostiquée à tout âge, je le ferai. C’est important pour moi.

Q. : Comment voyez-vous l’avenir en tant que personne vivant avec la SP?

R. : J’y pense, mais je n’y pense pas vraiment. En fait, je sais que la maladie va toujours me suivre comme mon ombre. Mais, en même temps ce n’est pas tout à fait comme une ombre, parce que notre ombre, nous savons qu’elle est là, mais nous n’y pensons jamais. La SP fait partie intégrante de ma vie, et c’est clairement un défi supplémentaire pour moi. Par exemple, l’année dernière, je suis allée une semaine à Walt Disney. Sept jours à marcher au soleil et à me coucher plus tard qu’à l’habitude. La semaine suivante, j’étais dans un état de fatigue extrême, complètement léthargique. Je n’avais jamais vécu ça avant. Le simple fait de me lever pour éteindre la lumière de ma chambre était difficile. Comme cette ombre vit avec moi au quotidien, je dois continuellement penser à adapter mon mode de vie.

Q. : Quel a été l’impact de la SP sur votre vie familiale et votre vie sociale, le cas échéant?

R. : Avec ma famille, ça a changé sans vraiment changer. Ma mère est plus protectrice qu’avant, même si elle l’a toujours été dans le passé. Pour ce qui est de ma relation avec les membres de ma famille, je trouve ça difficile à l’occasion, car ils ne peuvent pas toujours comprendre mes défis en lien avec la SP.

Q. : Quelles sont les répercussions d’un diagnostic de SP pour une jeune personne adulte?

R. : Au début, je me sentais seule au monde. Cependant, grâce aux réseaux sociaux, j’ai découvert des communautés de jeunes personnes atteintes de SP, ce qui m’a rassurée et a fait en sorte que je me sente moins seule. Ces communautés me permettent de valider des choses que je vis au quotidien avec la maladie, de répondre à mes questions et même d’aspirer à des réalisations quand je vois ce que font certaines personnes vivant avec la maladie. Ces communautés perpétuent l’espoir, nous permettent de nous informer et nous donnent en quelque sorte un sentiment d’appartenance.

Q. : En tant que jeune adulte aux prises avec la SP, comment se sont passés vos premiers pas sur le plan professionnel?

R. : J’ai toujours rêvé d’être comédienne, mais aujourd’hui, je constate que ça aurait été difficile.

En raison de la SP, j’ai lâché des cours de théâtre, car les cours se donnaient tard, et j’étais trop fatiguée après le travail pour m’y rendre.

J’ai fait un baccalauréat en design et un certificat en publicité, mais à la suite du diagnostic, j’ai été déstabilisée et j’ai choisi d’aller travailler dans un domaine offrant une sécurité d’emploi. Aujourd’hui, comme je vis mieux avec la SP, j’essaye de me rediriger vers mon champ d’expertise.

Q. : La SP a-t-elle eu un impact sur le début de votre carrière et sur votre vie professionnelle au quotidien?

R. : Je n’ai pas complètement mis de côté mes aspirations professionnelles. J’ai l’intention de continuer à acquérir de l’expérience afin de gravir des échelons dans le domaine des communications.

Q. : La SP a-t-elle un impact sur votre vie sociale et amoureuse?

R. : Pour ce qui est de ma vie sociale, ça n’a pas vraiment eu d’impact.

Pour ce qui est de ma vie amoureuse, je suis déjà allée en « date » quelquefois, mais je suis célibataire depuis le diagnostic, et l’idée de faire part de cette nouvelle à l’autre me terrorise. J’aimerais m’assumer à 100 % et aller de l’avant, mais je ne suis pas tout à fait rendue là encore.

Je viens d’une grande famille, j’ai quatre frères et sœurs et, pour moi, ce serait étrange de ne pas avoir une grande famille plus tard.

Q. : Quel est le bon moment selon vous pour dévoiler un diagnostic de SP à la personne avec qui vous partagez votre vie? De quelle façon aimeriez-vous que cette personne réagisse?

R. : Je ne sais pas quel serait le meilleur moment pour annoncer le diagnostic, mais j’aimerais beaucoup, s’il y a un manque de compréhension du côté de l’autre personne, qu’elle me pose des questions au lieu de faire des suppositions.

Q. : Avez-vous des conseils à donner aux jeunes adultes qui sont atteints de SP?

R. : Je leur conseille de rester actifs et de bien s’alimenter. C’est important pour tout le monde, mais encore plus pour les personnes vivant avec la SP, selon moi.

Et surtout, j’aimerais leur dire la chose suivante : n’oubliez jamais que vous n’êtes pas seul.

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