Billet
de Sarah Le Huray, ambassadrice de la Marche de l’espoir 2019
Dès que j’ai vu les clichés de mes examens d’imagerie sur l’écran d’ordinateur
de mon médecin, j’ai su exactement de quoi je souffrais. J’avais la sclérose en
plaques (SP). Les pensées se bousculaient dans ma tête, mais j’avais surtout
peur que la SP m’empêche de remplir mon rôle de mère auprès de mes deux jeunes
enfants. J’avais seulement 32 ans à l’époque.
Le diagnostic ne m’a pas tellement surprise, puisque je souffrais de symptômes mystérieux depuis plusieurs années déjà. J’ai consulté une foule de médecins, mais aucun ne m’avait fait passer d’IRM. On se contentait de me dire que j’étais « stressée » en raison de mon travail et de ma famille. C’est seulement après un grave épisode de névrite optique, avec perte presque totale de la vision dans un œil, que j’ai passé des examens parce qu’on envisageait la SP.
Pour accepter ce diagnostic surréel et intégrer le fait que je passerais le reste de ma vie avec une maladie dégénérative, j’avais besoin d’un exutoire. J’ai donc commencé à écrire les questions et les idées qui me passaient par la tête dans un journal. Le jour suivant, j’ai décidé de lancer un blogue. J’espérais que quelqu’un me lise et me comprenne.
J’ai rédigé le premier article sans même donner un nom au blogue tellement j’étais habitée d’un sentiment d’urgence. Puis, aussi cliché que cela puisse paraître, une pensée m’a frappée : je me sentais pressée comme un citron, alors j’allais faire de la limonade. C’est ainsi que j’ai trouvé le nom de mon blogue et de mon équipe de la Marche de l’espoir : Making Lemonade.
Ça fait presque sept ans que je relate mon
parcours avec la SP sur mon blogue. Le bon, le mauvais et tout le reste. C’est
le reflet de mon expérience personnelle : des renseignements sur les
médicaments ou les rendez-vous, des définitions de termes relatifs à la SP ou
les aléas du quotidien. Cela dit, j’essaie avant tout de véhiculer un message
positif. C’est très important pour moi, et je crois que ça influe sur ma façon
d’aborder la vie avec la SP.
Nous avons uniquement du pouvoir sur nos actions et nos pensées. La SP occupe
une place prépondérante dans ma vie, elle a contribué à faire de moi la
personne que je suis aujourd’hui, mais elle ne me définit pas. Je choisis d’être
plus forte qu’elle.
Le blogue m’a donné envie de m’investir davantage au sein de la collectivité de la SP. J’ai donc communiqué avec la Société de la SP et me suis inscrite sans tarder à la Marche de l’espoir. J’y participe depuis sept ans, et c’est pour moi un véritable rendez-vous. Nous avons beaucoup de plaisir : nous nous habillons en jaune de la tête au pied (pour l’effet limonade!) et faisons de l’événement une expérience positive. Je n’ai pas de mots pour décrire l’émotion intense que je ressens pendant la Marche de l’espoir. Je n’ai jamais rien vécu de tel. La collectivité de la SP est tellement forte. Elle me soutient et m’aide énormément. Je trouve formidable de voir toutes ces personnes réunies en un même endroit, pour une même cause.
Mon rôle de mère est sans contredit ce qui me donne le plus de fil à retordre dans mon parcours avec la SP. L’incertitude et la peur de ne plus pouvoir prendre soin de mes enfants me terrifient. Il est difficile pour eux de comprendre que je doive parfois leur dire non ou que je ne peux pas faire une activité physique avec eux. Ils ont du mal à saisir aussi ce que je veux dire quand je tente de leur expliquer à quel point la fatigue liée à la SP est invalidante. Lorsque je pense à l’avenir, l’inquiétude m’envahit. C’est un cheminement pour mes enfants de grandir avec une mère malade. Ils doivent s’adapter, et moi aussi.
J’ai participé à des rencontres d’un groupe d’entraide de la Société de la SP, fait beaucoup de lectures et suivi une thérapie pour parvenir à accepter la maladie. Parfois, je ressens le besoin de ne pas trop m’en faire, de chasser la culpabilité. Parfois, j’ai besoin de profiter des bonnes journées. De profiter de ce que je peux faire. Et j’en profite. L’acceptation a été l’aspect le plus difficile de mon parcours, le plus exigeant, mais nous avons réussi ensemble. Quand je pense à l’avenir avec mes enfants, je me dis que ça en aura valu la peine. Ma vie avec la SP est désormais ma vie « normale », et ça me va. Nous nous adaptons et allons de l’avant. La vie s’exprime dans ce que nous pouvons faire, pas dans ce que nous ne pouvons pas faire.