Le Forum 2019 de l’ACTRIMS (Comité des Amériques pour le traitement et la recherche dans le domaine de la sclérose en plaques) s’est déroulé autour du thème suivant : Precision Medicine Approaches for MS: Scientific Principles to Clinical Application (traitements individualisés dans le contexte de la SP : principes scientifiques et application clinique). Les participants à l’événement ont donc pu assister à de nombreuses discussions et présentations consacrées à la médecine personnalisée, soit une approche de la médecine axée sur une prestation individualisée des soins de santé du point de vue des décisions, des pratiques et des traitements. Le compte rendu ci-après vous permettra d’en savoir plus sur ce qui s’est dit au cours de ce forum de l’ACTRIMS à propos de la médecine personnalisée en lien avec la SP.
Traitements individualisés dans le domaine de la SP : où en sommes-nous?
Le forum en question a été pour M. Gavin Giovannoni, Ph. D., de la Queen Mary University of London, à Londres (Royaume-Uni), l’occasion d’aborder deux sujets : 1) les facteurs pronostiques à prendre en considération pour déterminer le traitement à prescrire à un patient en particulier et 2) l’élimination des risques liés aux différentes approches thérapeutiques envisageables dans la prise en charge de la SP. L’intervention de M. Giovannoni a tout d’abord porté sur la possibilité de recourir à une méthode de détermination des risques en vue de catégoriser les cas de SP en trois groupes : pronostic favorable, pronostic intermédiaire et pronostic défavorable. Cette méthode pourrait impliquer la collecte d’information sur divers facteurs tels que l’âge, les résultats d’examens par imagerie par résonance magnétique (IRM), les changements touchant les capacités fonctionnelles (motricité, cognition, etc.), les périodes de rémission, le taux de vitamine D, la comorbidité, etc. Elle permettrait par ailleurs de déterminer la catégorie pronostique dont une personne atteinte de SP pourrait faire partie ainsi que d’établir la liste des traitements qui conviendraient le plus à celle-ci. M. Giovannoni a ensuite abordé différentes approches axées sur l’élimination des risques associés aux traitements utilisés contre la SP, comme celle qui consiste à prescrire un anticorps pour contrer un effet indésirable connu d’un traitement envisagé. L’élimination des risques associés à l’immunosuppression comporte de nombreuses étapes : analyse de référence exhaustive des taux de leucocytes et de plaquettes; tests sérologiques; examens par IRM. De plus, il importe que soient effectués, d’une part, un suivi étroit des réactions du patient aux perfusions et aux antibiotiques qui pourraient lui être administrés concomitamment et, d’autre part, une surveillance régulière de l’état de cette personne par des tests sanguins, des analyses d’urine, des examens d’IRM, un dépistage d’éventuelles infections et un suivi de l’activité de la maladie. L’analyse de tous ces facteurs permettrait une prise de décisions individualisée au profit du patient atteint de SP.
Le bon traitement pour chaque patient
Lors de sa présentation intitulée « Selecting the right patient for the right treatment » (choisir le bon traitement pour chaque patient), le Dr Mark Freedman – neurologue et chercheur de l’Université d’Ottawa et de l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa, qui mène des travaux de recherche subventionnés par la Société de la SP – s’est penché sur les facteurs à prendre en considération en vue de la personnalisation du traitement destiné à une personne ayant reçu un diagnostic de SP. Selon le Dr Freedman, il importe de tenir compte de trois profils clés au moment de déterminer le traitement à prescrire à un patient. Il s’agit du profil de la maladie (activité de la maladie et facteurs pronostiques), du profil des options thérapeutiques offertes (mécanisme d’action, tolérabilité, innocuité, fréquence de la surveillance), ainsi que du profil du patient (observance, maladies concomitantes, facteurs personnels). En ce qui concerne le profil de la maladie, il importe d’établir le risque de progression imminente de la maladie. Pour cela, il est possible d’examiner un grand nombre de facteurs tels que l’âge, le sexe, l’origine ethnique, la gravité des poussées, le rétablissement du patient après les poussées ainsi que le degré d’incapacité. Comme M. Giovannoni, le Dr Freedman a précisé qu’il importe de tenir compte de facteurs pronostiques tels que les résultats des examens d’IRM, y compris le nombre de lésions et l’emplacement de ces dernières ainsi que le degré d’atrophie cérébrale. Quant au profil du traitement, le Dr Freedman a souligné que celui-ci varie selon le mécanisme d’action du médicament concerné. Certains médicaments agissent en modulant l’action du système immunitaire, tandis que d’autres détruisent les cellules immunitaires nocives ou empêchent celles-ci de pénétrer dans le système nerveux central. Le mécanisme d’action et d’autres facteurs tels que les effets indésirables et le mode d’administration du médicament revêtent une importance cruciale lorsque vient le moment de déterminer le traitement à prescrire à une personne atteinte de SP. Ultimement, cette dernière devrait choisir le traitement qui lui convient le plus suivant le profil de la maladie, celui des médicaments envisageables dans son cas ainsi que diverses considérations personnelles, comme la profession, le mode de vie, la fréquence des déplacements, la disponibilité pour le suivi, la grossesse, etc.
Du visible à l’invisible – recours aux biocapteurs dans le cadre du suivi d’un patient
Lors de la séance intitulée « Algorithms informing precision medicine management of MS » (les algorithmes au service de la médecine personnalisée),Mme Dina Katabi, Ph. D., du Massachusetts Institute of Technology, a parlé des biocapteurs permettant de mesurer l’activité de la maladie. Mme Katabi a mis au point une nouvelle technologie, qu’elle a baptisée Emerald et qui permet de surveiller la respiration, le cycle du sommeil, le rythme cardiaque et la marche d’une personne. L’aspect innovant de cette technologie est que celle-ci fait appel à des ondes magnétiques et qu’elle n’implique donc pas le port d’un quelconque appareil pour la personne faisant l’objet du suivi. La technologie Emerald comprend un dispositif semblable à un boîtier WiFi, que l’on peut placer quelque part au domicile du sujet et à l’aide duquel de multiples mesures peuvent être effectuées. Dans le cas d’une personne atteinte de SP ou d’une autre affection neurologique telle que la maladie de Parkinson ou la maladie de Huntington, par exemple, les mesures des mouvements de la marche obtenues grâce à ce dispositif revêtent une grande importance. En effet, les mesures de la marche effectuées en clinique ne reflètent pas forcément la façon dont une personne se déplace en marchant au quotidien. Or, grâce à la technologie Emerald, il est maintenant possible de faire un suivi à domicile de l’aptitude à la marche d’une personne, et ce, durant de longues périodes. Par ailleurs, cette technologie permet l’enregistrement de données sur les activités quotidiennes d’une personne, comme celles qui consistent à faire sa toilette et à s’habiller, de même que sur le cycle du sommeil. En fait, l’équipe de recherche de Mme Katabi a recours à la technologie Emerald pour effectuer des mesures aux différents stades du sommeil – sommeil paradoxal (caractérisé par des mouvements oculaires rapides), sommeil léger et sommeil profond. Lors de l’une de ses études, Mme Katabi a pris des mesures pour évaluer le degré d’efficacité de cette technologie en surveillant durant 100 nuits le cycle du sommeil de 25 personnes reliées à des appareils de contrôle du sommeil. Les résultats obtenus à l’aide de ces appareils ont été comparés aux mesures captées par le boîtier Emerald placé dans la pièce où dormaient les sujets. Or, selon les constatations de la chercheuse, le taux d’exactitude de la technologie Emerald a été de 80 % – résultat comparable au taux d’exactitude des tests menés dans les cliniques du sommeil. À ce jour, Mme Katabi a fait équiper de cette technologie le domicile de quelque 200 personnes aux prises avec la dépression, la maladie de Parkinson, une affection des poumons, la maladie d’Alzheimer ou la SP.
L’apprentissage automatique et l’IRM comme outils de prédiction de la progression de la SP
Finalement, lors d’un exposé donné par Mme Tal Arbel, Ph. D., de l’Université McGill, il a été question de méthodes d’apprentissage automatique faisant appel à l’IRM et permettant de prédire l’activité des lésions attribuables à la SP et la progression de cette maladie. Combiné à l’imagerie médicale, les méthodes d’apprentissage automatique pourraient fournir des données utiles au chapitre du diagnostic et de la surveillance de l’évolution de la maladie, contribuer à l’accélération des travaux lors des essais cliniques, de même que promouvoir une approche personnalisée en matière de soins de santé. Mme Arbel s’est plus particulièrement penchée sur les méthodes d’apprentissage en profondeur permettant de prédire la formation de nouvelles lésions et l’évolution future de l’incapacité dans le contexte de la SP. Pour élaborer de telles méthodes, l’équipe de recherche de Mme Arbel s’est procuré – auprès de divers partenaires de l’industrie – des données issues de vastes essais cliniques consacrés à la SP, en plus d’analyser des milliers de clichés d’IRM. En ayant recours à des méthodes d’apprentissage automatique, cette équipe a pu détecter de manière automatisée des lésions sur des images d’IRM, et elle s’emploie actuellement à élaborer de nouveaux modèles qui permettront de prédire l’activité future des lésions ainsi que l’évolution clinique de la SP à partir d’images de référence. L’utilisation de méthodes d’apprentissage automatique pourrait changer le cours des choses en matière de soins de santé, et ce, en favorisant le recours à la médecine personnalisée et en accélérant l’élaboration de médicaments. Mme Arbel et son équipe de collaborateurs continueront de mettre au point des méthodes d’apprentissage en profondeur en vue d’établir des modèles de progression de la sclérose en plaques – modèles notamment axés sur l’évolution de la forme cyclique de la SP vers une forme progressive de cette maladie. Ces chercheurs s’efforcent aussi de trouver des façons de reconnaître les personnes susceptibles de répondre à un traitement donné et celles qui ne le sont pas.
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