Je vis avec la SP, mais je ne laisse pas la maladie me définir.

Par Charlotte McCarthy

J’aimerais vous raconter mon histoire, depuis le jour où tout a commencé. Toutes les histoires commencent un jour, j’imagine. Commençons donc par le début.

Le jour où tout a commencé

J’ai eu ma première poussée en mars 2009. J’avais 18 ans, et j’étais en première année au collège dans ma ville natale, Toronto (Ontario). Je participais à une compétition de cheerleading à Hawaï. J’étais tellement heureuse d’être avec mes amies, de participer à l’événement et de profiter du paysage. La dernière journée, j’ai remarqué que mon œil gauche s’alourdissait. Ma vision était un peu embrouillée, et la sensation me semblait plutôt étrange. Quand je baissais les yeux, je ne voyais plus rien. J’avais passé la journée au soleil et j’ai dit à mes amies, en plaisantant, que j’avais un coup de soleil dans l’œil! Je ressentais un peu de douleur et d’inconfort, mais je n’en ai pas fait de cas. Je pensais que le problème partirait comme il était venu. À l’atterrissage du vol de douze heures qui nous ramenait à la maison, mon œil me faisait encore mal. J’ai alors pensé que c’était simplement la fatigue.

J’ai donc repris mes habitudes sans me poser de questions. Je suis retournée en classe, j’ai vu mes amies et j’ai continué ma vie. Mon œil, lui, ne s’améliorait pas. J’en ai finalement parlé à mes parents. Ma mère, pensant que j’avais abîmé ma rétine, a pris d’urgence rendez-vous pour un examen des yeux.

Pendant la consultation, l’optométriste a constaté que j’avais perdu la vision périphérique en raison de lésions d’un nerf derrière l’œil. Il voulait que je voie un spécialiste aussi rapidement que possible. Les examens ont révélé une inflammation du nerf droit tout juste derrière mon œil, ce qui bloquait complètement ma vision, mais la cause de la lésion restait inconnue. On m’a alors prescrit des tests sanguins et un examen d’IRM pour tenter de trouver des réponses.

Le diagnostic

J’ai commencé les rendez-vous médicaux pendant la première semaine d’avril 2009, et j’ai reçu un diagnostic de SP cyclique le 28 mai. Il s’est donc écoulé moins de deux mois entre les premiers symptômes et le diagnostic. Il paraît que c’est très rapide et que j’ai été très chanceuse. Après la tombée du diagnostic, j’ai cependant entrepris un processus de deuil. J’ai abandonné l’école et le cheerleading et j’ai commencé à travailler à temps plein. Je faisais tout pour ne pas penser au diagnostic et me sentir normale. Je me sentais perdue. J’étais très mal, mais je ne me sentais pas ainsi. J’étais plutôt engourdie, apathique. C’était très étrange.

Ma mère m’a prise en mains et a commencé à décider de tout, y compris ce qui touchait à mon traitement. Elle faisait tout pour moi, et je lui en étais reconnaissante, parce que je n’avais pas l’énergie de prendre soin de moi. Elle écoutait les médecins et comprenait ce qu’ils disaient, tandis que j’étais assise à ses côtés, le regard perdu, incapable de saisir leurs paroles. Je laissais donc ma mère tout gérer. C’était plus facile ainsi, et sa présence était réconfortante.

J’ai entrepris un traitement modificateur de l’évolution de la maladie par le Copaxone, ce qui impliquait une injection quotidienne. J’ai suivi le traitement pendant environ trois mois avant de décider que j’en avais assez. Je n’allais pas passer le reste de ma vie à me piquer avec une aiguille. Ce n’est pas comme ça que je voulais vivre ma vie. J’ai donc cessé le traitement, et j’ai eu la chance d’être admise à l’un des premiers essais d’un médicament administré par voie orale, à savoir le Gilenya. Je ne ressentais aucun effet secondaire, et j’avais finalement l’impression de vivre une vie normale. Il me suffisait de prendre une petite pilule!

J’ai vécu sans symptômes pendant trois ans. Durant cette période, je pouvais oublier que j’avais la SP et simplement être moi-même. Je pouvais choisir de divulguer ou de taire mon diagnostic. Je vivais ma vie à ma façon. En 2012, j’ai cependant reçu un diagnostic d’anxiété grave et de migraines chroniques. J’ignorais si mon état avait quelque chose à voir avec la SP, mais je pouvais tout de même continuer ma vie. J’ai fait une demande d’admission à l’Université Mount Saint Vincent d’Halifax, en Nouvelle-Écosse. En septembre, j’ai déménagé là-bas et j’ai commencé une nouvelle vie.

Une quête d’indépendance

Tout allait bien au début, mais, pendant ma première semaine de cours, j’ai attrapé un rhume et j’ai perdu la vision une fois de plus. C’était une sonnette d’alarme, j’imagine. J’ai alors pris conscience que ma mère n’était pas là pour prendre soin de moi et que je devais agir seule. J’ai donc pris ma santé en main. J’en ai retiré un grand sentiment d’autonomie : je pouvais prendre soin de moi, et tout irait bien.

La SP est une drôle de maladie. Elle est faite d’une foule de petites choses dont les médecins ne parlent pas. Quand j’ai essayé de comprendre ce qui n’allait pas avec mon œil, les médecins m’ont dit que le rhume avait probablement causé la réapparition des symptômes de SP. Au moment du diagnostic, personne ne m’avait dit qu’un rhume ou un affaiblissement de mon système immunitaire pouvait provoquer une poussée ou l’apparition de nouveaux symptômes de SP.

Je suis retournée à la maison pendant le temps des Fêtes et à l’été, j’ai continué d’être suivie par mes médecins là-bas. Ma santé s’est améliorée et je me sentais bien. J’ai décidé de pousser mon indépendance un peu plus loin et de trouver un médecin à Halifax pour avoir accès à de l’aide quand j’en aurais vraiment besoin. Je sentais que j’avais pris ma vie en main.

Un projet de famille

Petit retour en arrière… J’ai rencontré Mike en mars 2013. Nous avons commencé à nous fréquenter alors que je me sentais en parfaite santé. Je lui ai même dit que j’avais la SP lors de notre premier rendez-vous, en faisant comme si ça n’avait rien de grave. Sa réaction a été plutôt neutre, ce qui est bien, et la SP n’a pas mis un frein à notre relation. Nous avons emménagé ensemble un an plus tard, et nous nous sommes mariés en juillet 2016. L’an dernier, nous avons décidé de fonder une famille, et nous tentons présentement de devenir parents.

L’idée d’une grossesse m’effraie énormément. Je n’ai pas nécessairement peur que mon enfant ait la SP; je crains plutôt les effets de la SP sur la conception. Je sais que de nombreuses études ont porté sur la grossesse chez les femmes atteintes de SP, mais chaque situation est unique. Nous essayons de concevoir un enfant depuis février 2017, ce qui fait un peu plus d’un an. Sans jeter le blâme sur la SP, je dois avouer que j’y pense constamment. J’ai repris les injections de Copaxone, car il s’agit d’un traitement sans danger pendant la conception et la grossesse, contrairement au Gilenya, qui pose des risques pendant la conception. Donc, au stress lié au projet de tomber enceinte s’ajoute la manipulation quotidienne d’aiguilles, ce que je déteste. C’est l’envers de la médaille. Je crois cependant que ça vaut la peine de passer par là pour enfin avoir un bébé!

Je me rassure en me disant que j’ai un bon réseau de soutien, qui saura m’épauler quand je serai finalement enceinte. Je peux compter sur mon mari, ma famille et ma belle-famille. Ils m’offrent un soutien à toute épreuve, ce qui vaut de l’or à mes yeux. Je suis privilégiée de pouvoir me fier à des gens aussi attentionnés, qui m’aiment et qui sont toujours là pour m’aider.

La menace des poussées

À l’été 2017, après l’achat de notre maison, j’ai commencé à perdre toute sensation sous mon pied. L’engourdissement s’est lentement propagé à ma jambe et à ma cage thoracique. Quand je baisse le regard, j’ai l’impression que des décharges électriques traversent mon corps. Je pense que c’est peut-être attribuable à une inflammation, ou à une lésion, de ma colonne vertébrale. Je saurai bientôt si j’ai raison et si la SP a progressé de mon nerf optique jusqu’à ma colonne vertébrale.

Quand j’ai eu une poussée l’été dernier, je suis allée visiter mes parents. Mon neurologue m’a alors prescrit un traitement de 25 comprimés de stéroïdes par jour pendant trois jours. Ce traitement-choc a réveillé les nerfs de ma jambe, mais la douleur était insoutenable. Pendant trois jours, je me suis roulée en boule chez mes parents et j’ai pleuré. Je souffrais énormément physiquement, mais j’étais aussi atterrée de ne pas être moi-même. Il y a tellement de choses que je voulais faire pendant mon séjour chez mes parents. Je voulais être normale à nouveau.

J’ai la SP, mais je ne laisse pas la maladie me définir

Bien que la SP soit la plus étrange des maladies, ce n’est qu’une partie de moi. Je ne laisse pas la maladie me définir. J’essaie de ne pas paniquer quand elle se manifeste. Quand j’ai perdu toute sensation dans mes jambes, je n’étais pas paralysée, je pouvais encore marcher, mais je n’étais pas complètement moi-même. Je sais que ce genre d’épisodes inquiète Mike et mes parents. À mes yeux, ce ne sont que des étapes d’un parcours auquel je tente de m’habituer. Comme il n’existe pas encore de remède contre la SP, je fais de mon mieux pour aller de l’avant. Dans la vie, on n’a pas d’autre choix que d’avancer, et cette pensée me rassure.

Dans mon for intérieur, j’aime l’aspect « discret » de la SP. Les personnes qui savent que j’en suis atteinte me demandent comment je me sens, et je sais ce que je peux leur dire. Quand je rencontre de nouvelles personnes, elles ignorent totalement que j’ai la SP, parce que ça ne paraît pas. C’est parfait comme ça, parce que je ne veux surtout pas être « la fille qui a la SP ». Je veux être Charlotte, la fille qui travaille à temps plein, s’entraîne et passe du temps avec ses amis. Je fais tout ce que je peux pour être normale, mais, comme tout le monde, j’ai de bonnes et de mauvaises journées. Parfois, je suis la seule qui peut s’en rendre compte, et je peux choisir à qui en parler.

Je vis avec la SP, mais je ne laisse pas la maladie me définir. Je m’appelle Charlotte et je suis une fille, une épouse, une amie et, je l’espère, une future maman.

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