« Êtes-vous certains de ne pas vouloir prendre une tasse de thé? », nous demande Mme Bokhari dans le hall d’entrée d’une tour située à la périphérie de Waterloo, en Ontario. Ma collègue Stephanie et moi la rassurons en lui répondant que nous avons déjà absorbé notre dose de caféine, de peur de mettre en retard sa fille Denez, âgée de 21 ans. Ensuite, nous suivons cette dernière, qui doit se rendre à l’un des nombreux laboratoires de l’Université de Waterloo, où elle passe le plus clair de son temps en tant qu’étudiante en biologie se consacrant à la médecine.
Denez compte parmi les membres de l’équipe Team TeraBio Solutions (TBS), qui, l’automne dernier, s’est vu remettre par la Société de la SP une subvention de 15 000 $ après avoir remporté un marathon de programmation de deux jours, intitulé « Hack4Health » et axé sur la technologie et l’échange d’idées. Cet événement, qui s’est tenu à l’Université de Waterloo, visait à promouvoir l’élaboration de nouvelles solutions technologiques en matière de prise en charge des symptômes de la sclérose en plaques.
La Dre Karen Lee, vice-présidente de la recherche à la Société de la SP, et son équipe étaient présentes lors de ce marathon afin de sélectionner le projet qui pourrait être développé. Aujourd’hui, Stephanie et moi sommes venus à Waterloo pour savoir où en est le travail entrepris par cette équipe et faire connaissance avec les jeunes étudiants qui la composent, tous passionnés par le défi qu’ils se sont engagés à relever. Alors que nous la filmons, Denez monte à bord de l’autobus qui nous conduira au campus et commence à nous parler de son récent voyage à Lahore, au Pakistan, où elle est née.
« C’était une pause dont j’avais grand besoin et que j’avais plus que méritée! J’ai pu visiter de nombreux membres de ma famille et j’ai revu tous mes amis, avec qui j’ai grandi. Ce qui a remporté la palme toutefois dans ce voyage, c’est la nourriture! Maintenant, me voici de nouveau à l’université, et je n’ai plus une minute à moi. »
Sur le campus de l’Université de Waterloo
À notre arrivée, le campus déborde d’activité. Denez, qui étudie en sciences biomédicales à l’Université de Waterloo et qui travaille à temps plein durant l’été dans un laboratoire de recherche, nous conduit au laboratoire où elle seconde un candidat au doctorat. Ce dernier mène des travaux qui portent sur la régulation et les mécanismes de l’enzyme baptisée « oxyde nitrique synthase », laquelle est impliquée dans divers processus pathophysiologiques graves dont le choc septique, l’athérosclérose, le diabète, de même que l’ischémie myocardique et l’ischémie cérébrale.
Denez met en marche le système d’éclairage du laboratoire, enfile un sarrau, s’attache les cheveux en queue de cheval et troque ses chaussures à talon haut contre des souliers à semelle plate. Denez, Stéphanie et moi sommes les seules personnes présentes dans le laboratoire. À l’aide d’un brûleur Bunsen et d’un seau à glace, Denez se consacre à quelques expériences avant de nous parler de l’outil que l’équipe Team TBS est chargée d’élaborer, à savoir une application destinée à collecter et à transmettre des données sur certains des nombreux aspects du quotidien des personnes atteintes de SP.
« Entrer à la faculté de médecine est un long processus, et je sais que je n’aurai pas la chance d’intervenir de façon significative auprès des gens avant des années. La possibilité de changer rapidement le cours des choses dans la vie des gens est vraiment ce qui m’a incitée à participer [au marathon Hack4Health]. Mes collègues et moi avons saisi l’urgente nécessité d’aider les personnes atteintes de SP relativement à leur mode de vie, et c’est ce qui nous a paru le plus important. Par ailleurs, les données que notre application permettra de collecter pourraient mener à d’autres avancées à l’avenir, notamment en contribuant à l’accélération du rythme des travaux de certains chercheurs qui espèrent trouver un moyen de guérir la SP. »
L’équipe Team TBS, qui a été formée à l’occasion de l’événement Hack4Health, a finalement orienté ses efforts vers l’élaboration d’une application destinée à venir en aide aux personnes atteintes de SP, compatible avec des technologies prêt-à-porter existantes. Cette application permettra la collecte de données relatives à divers aspects de la santé des personnes ayant la SP – tels les symptômes, la température corporelle, le rythme cardiaque, la médication, les habitudes de sommeil – ainsi que le transfert de telles données à des équipes soignantes, lesquelles pourront personnaliser les soins à prodiguer en fonction de l’expérience de chacun de leurs patients aux prises avec la SP. Les membres de l’équipe Team TBS comparent leur future application à un journal que les utilisateurs auront toujours sur eux et dans lequel sera consigné leur quotidien aux côtés de la SP. Nos jeunes chercheurs ont défini le concept de cet outil après avoir rencontré des personnes atteintes de SP, des neurologues, des employés de la Société de la SP de même que des membres du milieu dynamique des technologies de Waterloo. Leur ont aussi été utiles les résultats du Sondage sur le bien-être des personnes qui vivent avec la SP mené en 2015 par la Société de la SP.
Nous laissons Denez à ses expériences pour explorer le campus avec nos caméras et rencontrer les autres membres de l’équipe Team TBS. Quelques heures plus tard, nous retrouvons Denez dans un autre laboratoire, où des étudiants s’affairent à monter des voitures de rallye électriques, à remanier des micropuces ou à programmer des cerveaux robotisés. Alors que Stephanie et moi nous préparons pour les entrevues que nous souhaitons réaliser, Denez et ses coéquipiers détectent un nouveau bogue en testant leur application : l’interface fige lors de la synchronisation de données provenant d’autres applications mobiles axées sur la santé. Bien qu’il s’agisse d’un bogue complexe touchant le code de l’application, les étudiants parviennent à diagnostiquer le problème et à formuler une solution avant même que débutent les entrevues.
Comprendre la motivation
Lorsque Stephanie et moi sommes prêts, Denez nous présente à James Tung, Ph. D., ingénieur, professeur adjoint du département de génie mécanique et mécatronique de l’Université de Waterloo et superviseur des travaux de recherche des membres de l’équipe Team TBS. La fierté du professeur adjoint à l’égard de ces étudiants est évidente. « S’ils se sont lancés dans cette aventure, ce n’est pas pour glaner des crédits supplémentaires, mais simplement pour venir en aide à des gens », explique ce dernier. Le professeur Tung a notamment pour tâche de guider les jeunes chercheurs sur la meilleure façon d’utiliser les fonds attribués par la Société de la SP. Son rôle de mentor lui a également permis de mieux les connaître et de comprendre leur motivation. « C’est ce qui m’inspire au plus haut point et rend si intéressante ma participation à cette initiative. »
Tout en prenant place devant les caméras, Denez éprouve de la difficulté à attacher notre microphone sur son col. Inzamam, autre membre de l’équipe Team TBS, la taquine à ce sujet. Alors que Stephanie lui vient en aide, je rassure Denez en lui disant que « ces choses-là peuvent être compliquées ». Au sein de l’équipe, seule Denez étudie les sciences. Elle se trouve donc souvent en minorité en compagnie des trois autres membres, dont le domaine d’études est le génie. Toutefois, lorsque nous entamons notre premier entretien, ses aptitudes au leadership ne laissent aucun doute : Denez conçoit l’initiative de son équipe selon une perspective scientifique et démontre sa capacité à remettre en question des concepts que d’autres pourraient tenir pour acquis.
« Les maladies constituent un sujet qui m’a toujours intéressée. Comment pouvons-nous les combattre? Pourquoi surviennent-elles? Ces jours-ci, tous les matins, je me dirige tout droit vers le laboratoire pour y faire des expériences – habituellement jusqu’à 17 h 30, parfois même jusqu’à la fin du jour. Ensuite, je retrouve [mes collègues de l’équipe Team TBS] ici pour travailler sur notre projet d’application. Après ça, je rentre chez moi et tarde rarement à aller au lit. La recherche est une activité qui peut être très imprévisible. C’est donc en misant sur la patience et la volonté de comprendre que je m’efforce de faire avancer l’élaboration de notre future application. »
Démonstration de l’application
Comme Stephanie et moi souhaitons en savoir plus sur le fonctionnement de cette application, nos interlocuteurs nous font entrer dans une pièce remplie d’ordinateurs où se trouvent aussi divers types d’équipement, des prototypes et des tableaux blancs. Alors que ses collaborateurs de l’équipe TBS tentent de résoudre certains des défis posés par la mise au point de l’application, Denez nous fait une démonstration de celle-ci à l’aide d’un appareil portable et nous fait passer un test. Elle souligne les avantages que l’utilisateur tirera d’un tel dispositif et nous explique dans quelle mesure ce dernier améliorera la qualité de vie des personnes touchées par la SP tout en facilitant la tâche des médecins grâce à la collecte de données précises.
- Mesure du rythme cardiaque
- Mesure du niveau de stress
- Collecte de données sur la prise de médicaments (doses, fréquence et période de la journée où les médicaments sont administrés)
- Collecte de données sur les interactions médicamenteuses
- Collecte de données sur l’activité physique
- Collecte de données sur les habitudes de sommeil
- Collecte de données sur l’alimentation et la consommation de boissons
- Transmission en temps réel de données aux proches aidants, aux neurologues et aux équipes soignantes
Stephanie et moi demandons aux membres de l’équipe Team TBS si nous pouvons les photographier une dernière fois à l’extérieur, et tous acceptent poliment d’interrompre leur travail. Après nous avoir menés dans le plus beau jardin du campus, ils prennent la pose en se donnant des tapes dans les mains, chacun d’eux vêtu d’un sarrau de laboratoire. Même si leur journée s’est déroulée au pas de course, ils ne montrent aucun signe de fatigue. Nous les saluons et les remercions alors qu’ils nous indiquent le chemin qui nous mènera à l’endroit où nous avons garé notre auto, pas moins de 14 heures auparavant. Après avoir laissé nos interlocuteurs retourner à leurs occupations, Stephanie et moi avons la conviction que l’équipe du Service de la recherche de la Société de la SP ainsi que les spécialistes des technologies, les scientifiques, les professionnels de la santé et les personnes touchées par la SP qui ont été réunis pour faire l’évaluation des projets lors du marathon Hack4Health ont sélectionné une équipe de jeunes chercheurs des plus aptes à relever le défi qui leur avait été lancé dans le cadre cet événement.
Toujours en cours d’élaboration, l’application de l’équipe Team TBS fera l’objet de tests intensifs sous la forme de divers prototypes durant de nombreuses semaines avant de pouvoir être téléchargée en ligne par l’intermédiaire des sites Google Play et iTunes à l’issue d’un processus qui, comme le savent nos jeunes chercheurs, pourrait s’avérer long et parsemé d’embûches. Malgré tout, les membres de l’équipe Team TBS ne doutent pas que leur application sera accessible en ligne dès le printemps 2017, téléchargeable sur les appareils portables et prête à fournir aux professionnels de la santé des données qui contribueront à l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de SP. En attendant, n’hésitez pas à consulter notre blogue ainsi que celui de la Dre Karen Lee (en anglais) pour suivre les progrès de l’initiative de l’équipe Team TBS en utilisant le mot clé « Hack4Health ».