Les millénariaux qui ont la SP se posent des questions sur la vie aux côtés de cette maladie auxquelles les recherches sur Google ne fournissent pas de réponse.
Par exemple, comment trouver la force de répondre à des messages privés sur les réseaux sociaux quand on arrive à peine à sortir du lit? Comment composer avec le stress qui accompagne l’insécurité financière, en plus des préoccupations liées à la santé et au mieux-être? Quand est-il approprié de faire savoir à une personne dont on vient de faire la connaissance grâce à une application de rencontre qu’on vit avec la maladie neurologique la plus courante chez les jeunes Canadiens?
Nombreux à avoir reçu un diagnostic de SP dans la fleur de l’âge, les millénariaux ne sont pas seuls dans leur combat contre cette maladie. En 2021, les millénariaux vivant avec la SP se lancent sur le marché du travail, fondent une famille et poursuivent des études, et ce, durant l’une des pires crises que le monde aura connues depuis un siècle. Dans notre série de billets de blogue intitulée Les millénariaux et la SP, nous nous entretenons avec de jeunes adultes de tous les coins du Canada sur des sujets comme l’importance de prendre soin de soi, les médias sociaux, la santé mentale et les étapes de la vie avec la SP.
Cette semaine, nous nous sommes entretenus avec Abdalla Ahmedin. Le jeune homme de 26 ans revient sur le diagnostic récent de SP qu’il a reçu.
Q. : Quand avez-vous appris que vous aviez la SP et comment avez-vous vécu cette expérience?
En 2018, je vivais une journée stressante en raison de problèmes au travail. Le stress était si intense que j’ai soudainement perdu toute sensation dans mes mains et mes jambes. Je pouvais marcher, mais mes jambes étaient très engourdies. Je me suis rendu à l’urgence, où on m’a dit que tout semblait normal et que j’étais peut-être simplement déshydraté.
J’en ai fait peu de cas, et j’ai continué ma semaine.
J’ai vécu avec de l’engourdissement dans mes mains et mes jambes pendant deux mois. Comme la sensation ne partait pas, j’ai compris que quelque chose clochait. Je suis retourné à l’urgence, et j’ai parlé à une médecin. Je lui ai demandé de passer des examens; elle m’a donc prescrit un tomodensitogramme. Je me souviens du choc qui se lisait sur son visage quand elle a pris connaissance des résultats.
Elle m’a envoyé passer un examen d’IRM le lendemain matin, ce qui m’a donné le temps de me faire mille et un scénarios. Je n’ai pas dormi de la nuit, revoyant sans cesse l’expression sur son visage.
Après l’examen d’IRM, mon médecin de famille m’a appelé. Elle m’a tout de suite dit de ne pas paniquer, que tout irait bien. Je lui ai demandé ce qui se passait, et elle m’a dit que j’avais la SP. Comme je n’avais jamais entendu parler de cette maladie, j’ai fait ce que tout le monde aurait fait : j’ai cherché sur Google. En lisant les témoignages et les expériences de milliers de Canadiens, je me suis senti un peu mieux. J’avais rendez-vous avec un neurologue à Toronto, mais je suis déménagé avant de pouvoir m’y rendre. J’avais en effet décroché un excellent poste à la Banque Scotia de Halifax, en Nouvelle-Écosse, où je me suis établi quelques semaines plus tard.
Q. : Quels sont les symptômes de SP que vous éprouvez à l’heure actuelle? Comment composez-vous avec ces symptômes?
J’ai les mains et les jambes engourdies, je vois double, j’ai des troubles de l’équilibre et je ressens de la fatigue. Pour me sentir reposé, j’ai l’impression d’avoir besoin de 14 à 16 heures de sommeil. Je travaille le soir pour me permettre de dormir beaucoup. Cet horaire convient mieux à mon mode vie.
Pendant une semaine en janvier, mes symptômes ont frôlé l’insupportable. J’ai tenté de les maîtriser en jouant à des jeux sur mon téléphone et sur ma console PS4 pour me changer les idées. J’ai aussi découvert que les douches froides me font du bien. Tout comme dormir beaucoup.
J’ai cessé de jouer au soccer à cause de la SP. J’aime le soccer. À mon arrivée à Halifax, je voulais me faire des amis. J’ai donc trouvé des gars qui jouaient et leur ai demandé de me joindre à eux lors de leur prochain match. Le soccer s’est alors intégré à ma routine. Un jour, j’ai remarqué que je n’arrivais plus à courir; mon corps n’obéissait tout simplement pas. J’étais tellement gêné que j’ai dit à mes amis que j’étais simplement fatigué.
Quelques mois plus tard, j’ai décidé de faire un autre essai. J’ai voulu dribler, mais je ne sentais pas le ballon sur mes jambes. C’est là que j’ai arrêté de jouer pour de bon.
Q. : En quoi votre diagnostic de SP a-t-il changé vos relations avec vos amis et votre famille?
Je n’ai pas encore parlé de la SP à ma famille, qui se trouve en Érythrée (en Afrique de l’Est), mon pays d’origine. Je ne peux pas leur dire, car je suis seul ici, au Canada. Je sais que ma mère paniquerait et voudrait m’appeler toutes les cinq minutes pour s’assurer que je vais bien.
Il y a quelques années, mon meilleur ami à Toronto, Omar, a fait une révélation inattendue à notre groupe d’amis. Il a dit en arabe : « Les gars, j’ai un problème avec mon système nerveux. » Nous ne comprenions pas ce qu’il disait. Frustré, il n’en a plus jamais reparlé.
Quand j’ai appris que j’avais la SP, je me suis souvenu de cette conversation et j’ai alors compris qu’il parlait peut-être de la sclérose en plaques. Comme j’étais rendu en Nouvelle-Écosse, je l’ai appelé. J’avais vu juste.
Nous avons jasé, et j’ai été heureux d’apprendre qu’il suivait un traitement depuis quelques années et qu’il n’avait pas de symptômes ni de poussées. Nous continuons de discuter de notre expérience par téléphone. C’est si important de pouvoir parler à quelqu’un qui nous comprend.
J’ai aussi dévoilé mon diagnostic à quelques amis proches. Certains comprennent, d’autres non. Ils me disent : « Ça va, tu n’as rien. » Mais c’est difficile de ne pas pouvoir faire ce qu’on aime.
Q. : En tant que jeune adulte aux prises avec la SP, qu’avez-vous à dire à propos des effets de cette maladie sur votre vie professionnelle? Avez-vous révélé à vos collègues et à vos supérieurs que vous aviez reçu un diagnostic de SP?
Avant de décrocher mon emploi actuel, j’étais toujours inquiet. Je me disais : « Que se passera-t-il si j’ai une poussée? Je ne serai pas payé. Je devrai rester à la maison. Comment vais-je payer mes factures? Que va-t-il m’arriver? »
Quand j’ai finalement parlé de la SP à ma supérieure, Chelsea, j’ai été surpris de sa réaction. Elle a très bien pris la nouvelle. En novembre, j’ai commencé à ressentir des symptômes qui nuisaient à mon travail. J’avais les mains et les jambes engourdies, et je voyais double. Je travaillais de la maison, mais je n’arrivais plus à taper à l’ordinateur. J’en ai parlé à Chelsea, qui a été très compréhensive. Elle m’a dit de ne pas travailler tant que je ne me sentais pas bien, et que je serais tout de même payé. Elle a réitéré que la santé passe avant tout. Sa réaction m’a donné confiance, car je n’avais pas peur de manquer d’argent et je pouvais me concentrer sur ma santé. J’ai finalement été absent pendant une semaine et demie, et Chelsea a pris régulièrement de mes nouvelles. C’est rassurant de savoir qu’elle est là pour moi.
Vous pouvez aider encore plus de Canadiens aux prises avec la SP.
Pour apporter soutien et espoir aux membres de la collectivité canadienne de la SP, faites un don aujourd’hui à la Société de la SP. Votre générosité pourrait avoir des retombées significatives dans la vie d’une personne qui doit surmonter la douleur et l’incertitude liées à la SP — tout comme Abdalla, qui vous est des plus reconnaissantes.