Billet de Julia Stewart
J’habite à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et je suis bibliothécaire. J’ai le bonheur de gérer une bibliothèque publique très fréquentée, et je ne changerais de place pour rien au monde. Je suis arrivée là où je suis grâce à du travail acharné, de la détermination et un peu d’entêtement. Je suis fière de l’équilibre que j’ai réussi à établir entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle grâce à l’amour et au soutien de ma famille, de mes amis et de mon conjoint.
Ma mère était à mes côtés quand j’ai reçu un diagnostic de sclérose en plaques (SP) en 2004; la nouvelle nous a laissées sans voix. Mon employeur de l’époque n’a pas très bien pris cela, lui non plus. La situation n’était pas facile : à l’incertitude quant à mon avenir s’ajoutait de l’insécurité d’emploi. Heureusement, ma famille m’a toujours appuyée, que je participe à un projet de recherche, que je prenne part à une Marche de l’espoir quelque part au pays ou que je mène des activités de défense des droits et des intérêts avec l’équipe des relations avec les gouvernements de la Société de la SP.
À la suite du diagnostic, je ne savais pas à quoi ressemblerait ma vie et, pour diverses raisons, je ne recevais pas le soutien dont j’avais besoin de la part de mon employeur. Les gens ont peur de l’inconnu, et je pense que mon ancien employeur n’était pas d’un grand soutien parce que j’avais reçu ce diagnostic en cours d’emploi et que la situation était donc nouvelle pour tout le monde. Il ne pouvait tout simplement pas faire d’ajustements pour me faciliter la vie. J’occupais un poste de guide-accompagnatrice au sein d’une grande entreprise et j’étais toujours sur la route lorsque j’ai commencé à ressentir des symptômes. J’ai donc changé de poste pour travailler de la maison à temps plein, mais l’isolement était difficile pour moi : je suis une personne très sociable qui a besoin d’être entourée. C’est d’ailleurs un sujet de plaisanteries dans ma famille, puisque je suis devenue bibliothécaire. Mais croyez-moi, les bibliothèques ne sont plus ce qu’elles étaient! Je pense cependant que mon employeur de l’époque aurait pu en faire plus pour m’aider. J’avais beaucoup donné à l’entreprise, et je me sentais mise de côté.
Mes supérieurs ne comprenaient pas la nature épisodique de la SP, et j’ai été contrainte de laisser mon emploi. J’étais désillusionnée, et j’ai eu du mal à joindre les deux bouts pendant que j’étais sans emploi. L’invisibilité de la SP est une des plus grandes difficultés auxquelles se heurtent les personnes atteintes de cette maladie. Les gens ont parfois du mal à croire que j’ai la SP, car je ne corresponds pas à l’idée qu’ils se font d’une personne malade. Je trouve vraiment très difficile de ne pas pouvoir expliquer mes symptômes invisibles. Les stéréotypes qui entourent la maladie posent également leur lot de difficultés.
En ce qui a trait aux incidences de la SP sur ma vie, je suis surtout préoccupée par ma sécurité financière à long terme. Même si j’occupe présentement un poste de rêve chez un employeur formidable, la SP est imprévisible. J’ai peur de ne pas pouvoir subvenir à mes besoins en vieillissant. Les programmes gouvernementaux donnent un coup de pouce, mais ils ne sont pas une panacée. Je pense que les gouvernements doivent d’abord et avant tout favoriser le maintien en poste. Beaucoup de personnes reçoivent un diagnostic de SP alors qu’elles sont dans la fleur de l’âge, et elles sont nombreuses à vouloir continuer de travailler le plus longtemps possible. Elles ont investi dans leur carrière, et les études montrent que contribuer à la société est à la fois sain et valorisant. Le gouvernement peut aider en fournissant des incitatifs aux employeurs pour qu’ils puissent offrir des horaires flexibles, en accordant une aide financière aux personnes atteintes d’une maladie épisodique et en instaurant des mesures de soutien du revenu pour les employés qui doivent s’absenter du travail.
En faisant du bénévolat au sein de l’équipe responsable des relations avec les gouvernements de la Société de la SP, j’en ai appris plus sur le processus d’élaboration des politiques et découvert qu’il est possible de faire bouger les choses, mais que ça prend du temps. Chaque fois que nous nous entretenons avec un élu, nous avons l’occasion de l’informer et de le conscientiser pour favoriser le changement. Notre travail est porteur d’espoir et très positif. Je tisse des liens avec des responsables provinciaux et municipaux au Nouveau-Brunswick, et j’adore ça. Mon frère a été député pendant longtemps et il faisait valoir les droits et les intérêts des personnes atteintes de SP à la Chambre des communes. C’est ce qui m’a poussée à m’investir davantage auprès de la Société de la SP au fil du temps.
Depuis que je défends les intérêts des personnes atteintes de SP, j’ai assisté avec bonheur à une amélioration de l’accès au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Le processus de demande est aujourd’hui beaucoup plus fluide qu’auparavant. J’ai aussi été témoin de l’ajout des maladies épisodiques à la définition de « handicap ». C’est une grande victoire pour les personnes atteintes de SP, et signe d’un changement de mentalité important chez les Canadiens et les employeurs. Les progrès sont lents, mais il importe que le gouvernement prenne le temps de bien soupeser les décisions qui auront des répercussions sur les électeurs de demain. Car s’ils ne sont pas d’accord avec ces décisions, nous ne serons pas plus avancés. Il est très gratifiant de voir ses efforts porter fruit.
En cette période électorale, je vous invite à participer à la campagne #prioriteSP en envoyant un message aux candidats de votre circonscription. Chaque message compte, car il a une réelle incidence sur les candidats. Au fil de mes rencontres avec des politiciens, j’ai constaté que la plupart ont dans leur entourage quelqu’un qui vit avec la SP, ont cogné à la porte d’une personne atteinte de SP ou connaissent cette maladie. Vos messages alimentent chaque victoire, car ils sèment l’envie d’en savoir plus ou éveillent un souvenir chez vos candidats, qui n’oublieront pas pourquoi il est si important, au Canada, de défendre les droits et les intérêts des personnes atteintes de SP.