Près de la moitié des Canadiens de 15 ans et plus ont, à un moment ou à un autre, pris soin d’un proche ou d’un ami vieillissant ou aux prises avec une maladie chronique ou des incapacités. Libby et Grant sont mariés depuis 36 ans, et leur cas ne fait pas exception. Leur vie a basculé quand Libby a reçu un diagnostic de sclérose en plaques (SP) en 1990. Aujourd’hui, Grant est le proche aidant de Libby. En plus de l’aider à accomplir ses activités de la vie quotidienne, il anime un groupe de soutien organisé par l’entremise de la Société de la SP. Plus forts que jamais, ils ont accepté de nous relater leur histoire et de nous faire part des épreuves qu’ils ont traversées ensemble.
Quelle a été votre première réaction quand le diagnostic de SP est tombé?
Libby : J’avais des engourdissements depuis quelque temps. Je n’ai donc pas été vraiment surprise d’apprendre que j’étais atteinte de SP cyclique. Le plus difficile était de ne pas savoir ce qui n’allait pas. J’ai donc finalement été soulagée de recevoir un diagnostic de SP. Au moins, je pouvais mettre un nom sur mes symptômes.
Quand j’ai annoncé la nouvelle aux membres de ma famille et à mes amis, tous se sont montrés compréhensifs et m’ont offert leur soutien. Je ressentais en fait ce que j’avais éprouvé lorsque ma mère a reçu un diagnostic de lupus. À l’époque, toutefois, personne n’avait pris le temps de m’expliquer la situation. Or, j’aurais aimé qu’on le fasse. Après le diagnostic de SP, je voulais gérer les choses différemment.
Grant : Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai fondu en larmes. Les histoires d’horreur que j’avais entendues par le passé me revenaient en mémoire, et j’étais terrifié. Malgré tout, je savais qu’il était préférable d’être bien informé pour pouvoir composer avec la maladie et espérer la combattre. Pendant les quatre ou cinq années qui ont suivi le diagnostic, Libby n’a pas eu beaucoup de symptômes, mais elle a subi des poussées dont les effets étaient très invalidants. Il lui arrivait de ne plus pouvoir marcher ou parler.
Comment votre famille a-t-elle pris la nouvelle?
G. : Nous avons deux enfants. Notre fils, Dana, a 31 ans, et notre fille, Kerrie, en a 29. Je pense que cette dernière a très mal digéré le diagnostic. Pendant l’adolescence, les filles se chicanent avec leur mère au sujet de tout et de rien. Or, la maladie ne faisait qu’empirer les choses, car Libby n’était pas toujours autonome. Il lui arrivait de ne pas pouvoir marcher ou parler, et je devais parfois rappeler à notre fille que sa mère avait besoin d’aide. Je pense que Kerrie était fâchée de la situation. Ce n’était pas facile pour une adolescente, mais sa vision des choses a changé. Je pense que nous avons tous appris à revoir nos attentes.
Quels sont les principaux obstacles qui se sont dressés devant vous à cause de la SP?
L. : La SP restreint notre capacité de voyager, et même de nous déplacer en ville. Beaucoup d’endroits ne sont pas accessibles en fauteuil roulant.
G. : Les huit dernières années ont été les plus difficiles. Les fonctions cognitives de Libby se sont détériorées, tout comme ses capacités physiques. Libby dépend donc de plus en plus des autres. Sa mémoire à court terme a beaucoup diminué, et elle a de la difficulté à suivre une recette. Elle était une cuisinière hors pair, mais la SP lui a volé ce talent. Par ailleurs, certaines des personnes qu’elle fréquentait ont cessé de l’appeler. En raison de ses limitations cognitives, elle n’utilise pas d’ordinateur ni de téléphone intelligent et ne fréquente pas les réseaux sociaux, ce qui a un impact considérable sur sa vie sociale.
Qu’est-ce qui vous a amenés à vous investir auprès de la Société de la SP?
L. : Nous avons d’abord participé à des groupes de soutien.
G. : Les réunions d’un groupe de soutien mis en place par la Société de la SP constituent des occasions de rencontres pour les personnes touchées par la SP. Libby s’est fait des amis en prenant part à de telles réunions. Nous participons à la Marche de l’espoir depuis 25 ans! Depuis peu, j’anime bénévolement un des groupes de soutien à l’œuvre dans notre localité. Je pense qu’il importe de s’investir au profit de causes qui touchent la famille. J’aide ainsi Libby et d’autres personnes qui se trouvent dans une situation semblable à la sienne. Je sais trop bien ce qu’est la vie aux côtés de quelqu’un qui a la SP. Il est parfois difficile de mettre des mots sur les effets de la maladie, et je pense pouvoir aider d’autres personnes qui traversent les mêmes épreuves que les nôtres. Les groupes de soutien permettent également aux personnes touchées par la SP de participer à des activités sociales. C’est grâce à l’un de ces groupes que Libby s’est constitué un nouveau cercle d’amis.
En quoi la SP vous touche-t-elle en tant qu’aidant?
G. : La SP ne touche pas seulement la personne qui en est atteinte. L’aidant a aussi des responsabilités. Les gens me demandent souvent comment va ma femme, mais rarement comment je me sens. Le rôle d’aidant est difficile et peut être déprimant, ce à quoi les gens ne pensent pas toujours.
Quel conseil aimeriez-vous donner aux personnes qui jouent le rôle d’aidant auprès de leur conjoint ou conjointe?
G. : Informez-vous sur la SP. Quand Libby change de comportement ou perd la capacité de faire quelque chose, je sais que la SP est en cause et qu’il ne s’agit pas de caprices de la part de Libby. Il arrive aussi que Libby pose la même question encore et encore. Je dois alors me montrer patient. Elle ne cherche pas à m’exaspérer; elle oublie, tout simplement. Je dois lui répondre comme si c’était la première fois qu’elle posait la question. La patience, c’est la clé! Je conseille aux aidants de trouver une personne à qui confier leurs difficultés du quotidien.
Nous espérons que le témoignage de Grant et de Libby procurera un certain réconfort aux gens qui traversent des épreuves similaires. Le lien entre une personne atteinte d’une maladie chronique comme la SP et son aidant peut être très fort et positif. Parallèlement, la prestation de soins est parfois très exigeante sur les plans physique et émotionnel, et l’épuisement guette les aidants. Si vous souhaitez obtenir de l’information supplémentaire, du soutien ou même une forme de réconfort, informez-vous au sujet du Programme de soutien entre pairs offert par la Société de la SP à l’intention des aidants de personnes vivant avec la SP. Écrivez à peersupportprogram@mssociety.ca ou composez le 1 800 268‑7582, poste 3149, pour laisser un message.
Je suis moi-même atteinte de SP depuis 1980. Cette maladie qui me tombait dessus à 29 ans, alors que j’étais mariée et mère de 2 garçons. Mes 2 fils sont maintenant des hommes, je suis grand-mère de 3 petit-fils de mon aîné. Leur père m’ayant quitté en 1996, je vis depuis 12 ans avec un homme compréhensif, qui m’aide vraiment beaucoup, et c’est lui mon proche-aidant. La SP fût ma première maladie grave, car en 1989 j’ai eu un ACV, qui m’a gardée hospitalisée durant presque 4 mois et la petite dernière l’été dernier une « pleurésie virale » (retour à l’hôpital pour une semaine que mon pneumologue a écourté trop vite, car de retour chez-moi je me sentais tellement mal, que je suis allée consulter à nouveau). Mais je demeure positive, je vis bien grâce à mon proche-aidant. Je suis en fauteuil roulant après 38 ans de déambulateur, et j’essaie d’y revenir en prenant des cours de physiothérapie, d’école du mouvement etc. . .Je suis tellement motivée que je suis certaine de réussir. Félicitations à toi Grant, pour avoir assumé la maladie de Libby et d’être encore avec elle. Mon « ex » m’a quittée à cause de la SP. Je ne souhaite ça à personne, car j’ai beaucoup souffert par la suite. Mais mon proche-aidant qui a pour prénom « Gabriel » est là pour parer à toutes les séquelles de mes nombreuses maladies: incontinence extrême, constipation, étourdissements etc. . . Par contre, je n’ai perdu la parole qu’après mon AVC. J’ai été 1½ an aphasique. J’étais encore avec mon « ex » dans ce temps-là! Il m’a aidé lui aussi. . . pour me quitter ensuite. Je vous souhaite à tous les deux, une vie longue et sereine, car vous le méritez bien.