L’égoïsme : un acte de bonté révolutionnaire, ou comment accepter le soutien après un diagnostic

La sclérose en plaques (SP) est actuellement classée parmi les maladies auto-immunes du système nerveux central (formé du cerveau et de la moelle épinière). Il s’agit d’une maladie imprévisible qui s’accompagne de symptômes comme une fatigue extrême, des troubles de la vessie, de la fonction cognitive et de l’humeur. Ses effets peuvent être physiques, émotionnels et financiers. Le Canada affiche l’un des taux de SP les plus élevés du monde, et selon les estimations, une personne sur 385 vit avec la SP dans notre pays. Il n’existe encore aucune façon de guérir la SP, mais les chercheurs ne cessent d’approfondir leurs connaissances sur les causes de cette maladie et les façons de prévenir celle‑ci. 

Assise dans le bureau de son médecin, après avoir reçu un diagnostic de SP, Erin s’est d’abord demandé si elle pourrait avoir des enfants. Cette pensée a immédiatement fait place à une autre : « Est-ce que maman va s’en remettre? »

Depuis, la jeune femme a dû apprendre à faire de sa santé une priorité. « Au cours des quinze derniers mois, j’ai dû me montrer un peu égoïste et mettre de l’avant mes besoins. J’ai fait promettre à ma mère de ne pas parler de mon diagnostic juste avant les festivités qui précédaient le mariage d’un membre de sa famille, parce que je n’étais pas prête à m’afficher. Je fais la sieste quand je suis fatiguée, et j’ai créé une liste de choses à faire avant de ne plus en être capable, si jamais ça arrive. Je m’efforce d’en accomplir le plus possible pendant que j’en ai la capacité. Je suis toujours là pour ma famille et mes amis, mais j’en fais un peu plus qu’avant pour moi. »

 

Fixer ses limites

« J’ai toujours eu besoin de beaucoup de sommeil. Aujourd’hui, je ne me gêne plus pour dire que je vais faire la sieste. Je ferme les yeux pendant 20 minutes, et je suis comme neuve. Ma mère me rappelle de ne pas dire que je suis fatiguée, mais plutôt que je souffre de fatigue. En verbalisant mes symptômes, j’ai l’impression d’avoir la permission de prendre soin de moi. »

Les petits gestes que pose Erin pour son bien-être lui permettent d’être présente pour ses collègues, sa mère et ses amis, qui peuvent compter sur elle. En énonçant ses besoins et en fixant ses limites, elle donne également à ses proches l’occasion de se rendre utiles.

« En expliquant à mes amis et collègues ce qui se passe dans mon corps, et en leur disant que je n’ai pas à me justifier, je leur permets de me soutenir comme j’en ai besoin. »

Quand vous exprimez clairement vos besoins, vos proches peuvent vous aider de la façon qui vous convient, et tout le monde y trouve son compte. Ils n’ont pas à deviner ce qui vous ferait plaisir, et ils peuvent se rendre réellement utiles. En établissant un bon réseau de soutien dès le début, vous évitez également les sentiments d’isolement et de rejet.

 

Redéfinir la normalité 

Moins de deux heures après la tombée du diagnostic, alors qu’elle était assise avec sa mère dans la salle d’attente, en larmes, Erin a croisé une ancienne collègue et son fils.

« Je me sentais déjà gênée à l’idée que mes collègues allaient me percevoir différemment. Et voilà que je croise une ancienne collègue et son magnifique bébé. Quand je l’ai vue, j’ai d’abord pensé que c’était la pire chose qui pouvait m’arriver. Ils se sont assis juste à côté de nous, et leur présence s’est finalement révélée très salutaire, car elle nous a permis de nous changer les idées. J’ai vécu un moment tout à fait banal pendant une des situations les moins banales de toute ma vie. »

Le vendredi précédant l’annonce du diagnostic, une bonne amie d’Erin lui a fait la surprise de lui préparer du homard, son repas préféré.

« Je savais que j’étais sur le point de recevoir de mauvaises nouvelles, et je prévoyais rester seule à la maison pour pleurer. Mais mon amie Tara m’a préparé du homard, et nous n’avons pas du tout parlé de SP. Elle n’aurait pas pu mieux faire. Je n’ai pas pensé à la maladie de toute la soirée. »

C’est grâce à ces moments simples de la vie, pendant lesquels elle oublie la SP, qu’Erin arrive à composer avec son diagnostic. Peu de temps après, Erin a accepté de participer à un voyage dans l’Arctique pour le travail. L’expédition était prévue depuis un moment.

« Tout ce que je voulais, c’était de me rouler en boule et de pleurer pendant quelques semaines, en me disant que j’irais mieux après. Mais je savais que c’était ma seule et unique chance de visiter l’Arctique. » Au moment du départ, j’ai informé mes compagnons de voyage de mon état, et tout le monde s’est montré très respectueux. Ils faisaient même des pieds et des mains pour m’aider à éviter le gluten et les produits laitiers. Je pense que ce voyage m’a ouvert les yeux : j’avais eu de mauvaises nouvelles et je devais apprendre à prendre soin de moi. J’ai compris que pour être bien, je ne devais pas arrêter de vivre. »

 

Je peux? Je fonce! 

Recevoir un diagnostic de maladie incurable est une expérience terrifiante, peu importe la façon d’envisager la chose. La sclérose en plaques est une maladie imprévisible; elle peut tout faire basculer du jour au lendemain. Ce degré d’incertitude peut perturber grandement la santé mentale. Comme pour tous les grands événements de la vie, chaque personne aborde la situation différemment. Erin Truax, elle, a vécu une prise de conscience. Elle a commencé à dresser une liste de choses à faire pendant qu’elle en a encore les capacités. D’abord intitulée « Choses à faire avant qu’il soit trop tard », la liste a été rebaptisée « Choses à faire parce que je peux ». Elle la motive à réaliser des rêves qu’elle aurait autrement remis à plus tard.

« Il y a une dizaine d’années, j’ai servi de mentor à une fillette qui avait le cancer et devait se faire amputer une partie de la jambe. Nous sommes encore proches aujourd’hui. En fait, elle vient juste de participer pour la première fois aux Jeux paralympiques. Au moment de sa chirurgie, j’avais gravi toutes les marches de la Tour CN pour l’encourager. Parce que je le pouvais. Je crois désormais que si je peux faire quelque chose, je dois le faire. »

 

« Au cours des quinze derniers mois, j’ai seulement rayé quelques éléments de ma liste :

– Prendre des leçons de ski (je vais continuer).

– Suivre un cours d’initiation au tennis (j’ai adoré).

– Participer à ma première Marche de l’espoir Mandarin avec mon équipe de 20 personnes, les Truax Trekkers.

– Faire un voyage avec ma plus jeune cousine, qui a 23 ans de moins que moi.

– Commencer le Pilates – j’ai découvert que le Pilates est le meilleur exercice qui soit lorsque je veux me libérer l’esprit et prendre soin de mon corps.

 

« Toujours sur ma liste :

– Conduire une auto de course.

 

« Je prends les suggestions, mais il est hors de question de je fasse un saut en parachute.

 

« Mon diagnostic de SP m’a appris à ne rien tenir pour acquis. J’apprécie les moments les plus simples et je célèbre chaque victoire. »

 

Des jours sombres

« J’ai eu de mauvaises journées. Parfois, je pleure simplement parce que l’aiguille fait plus mal que d’habitude. Il m’arrive aussi de me sentir très faible. N’allez surtout pas croire que j’avais toujours une belle attitude positive pendant les cinq ou même les dix premiers mois. La tristesse n’est cependant pas un remède, et je pense qu’il est important d’écouter qui nous sommes et ce que nous voulons.

« Je me suis fait un devoir d’expliquer aux gens ce qu’est la SP et quels sont ses effets. Je veux que la cause leur tienne à cœur, car ça me donne de l’espoir. J’ai donc décidé d’agir. J’ai commencé à mener des activités de défense des droits et des intérêts et à recueillir des fonds. Nous devons tous décider comment tirer le meilleur parti de notre situation. Trouver ce qui nous rend positifs et nous donne envie d’avancer. Il suffit qu’une seule personne vienne me voir après une conférence pour me dire que je lui donne envie de raconter son histoire, et j’ai l’impression d’être utile. »

Quand son moral n’y est pas du tout, Erin se dorlote en prenant des bains chauds, en faisant de courtes siestes et en passant du temps avec son chien.

 

Un de vos proches vient de recevoir un diagnostic de SP? Voici les conseils d’Erin :

  • Écoutez attentivement ses besoins.
  • Demandez-lui comment le soutenir.
  • Respectez ses limites et ses volontés.
  • N’ayez pas peur de poser un geste positif.
  • N’oubliez pas qu’il s’agit de la même personne qu’avant le diagnostic.

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