Photos de l’Hôpital d’Ottawa
La sclérose en plaques (SP) est une maladie très personnelle, et les gens qui en sont atteints présentent une grande variété de profils. En effet, bien que la réponse auto-immune prenant pour cible la myéline demeure au cœur des mécanismes pathologiques de la SP, les signes, les symptômes et l’évolution de cette affection peuvent varier considérablement d’une personne à l’autre.
De même, chaque personne qui vit avec la SP réagit à sa manière au traitement qui lui est administré. Il y a un peu plus de vingt ans, il n’existait aucun traitement capable de modifier l’évolution de la maladie, de limiter la fréquence des poussées et de réduire le nombre de lésions cérébrales. Depuis, onze médicaments modificateurs de l’évolution de la maladie (ou immunomodulateurs) ont été homologués au Canada pour le traitement de la SP cyclique, et d’autres sont à l’étude. Grâce à ce vaste éventail de médicaments immunomodulateurs, les médecins disposent d’un plus grand nombre d’options thérapeutiques qu’auparavant pour répondre aux besoins propres à leurs patients atteints de SP. Or, malgré les progrès remarquables réalisés au chapitre du traitement de la SP, certaines personnes ne répondent pas aux médicaments qui leur sont prescrits contre cette maladie, ce qui démontre indéniablement la nature diverse de la sclérose en plaques.
La poursuite de la recherche en SP contribue à compléter l’arsenal d’options thérapeutiques élaborées contre cette maladie, et les efforts déployés par les chercheurs dans ce domaine tendent à favoriser une approche personnalisée en matière de traitement. La publication des résultats de l’essai canadien sur la greffe de moelle osseuse (GMO) dans la revue The Lancet constitue l’aboutissement d’une initiative de recherche coopérative de grande envergure, subventionnée par la Fondation pour la recherche scientifique sur la sclérose en plaques ‒ organisme affilié à la Société de la SP. Cette étude avait pour but d’ouvrir la voie à un traitement contre la SP faisant appel à des cellules souches. Dans le cadre de cette initiative, des personnes atteintes de SP ont reçu des doses élevées de médicaments chimiothérapeutiques destinées à supprimer leur système immunitaire défaillant. Des cellules souches provenant de leur propre moelle osseuse leur ont ensuite été administrées par perfusion afin que puisse être reconstitué leur système immunitaire, lequel ne devait plus s’attaquer à la myéline. En raison du risque associé à un tel traitement, seuls ont été retenus des sujets présentant une forme de SP cyclique (poussées-rémissions) à forte activité inflammatoire, réfractaire aux médicaments existants et caractérisée par une évolution très rapide.
L’étude intitulée « Immunoablation and autologous haemopoietic stem-cell transplantation for aggressive multiple sclerosis: a multicentre single-group phase 2 trial » (Immunosuppression suivie d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques autologues pour le traitement d’une forme de sclérose en plaques à évolution rapide : essai de phase II multicentrique ne comportant qu’un groupe) a été menée par les Drs Harry Atkins et Mark Freedman, à l’Hôpital d’Ottawa. Ces chercheurs ont constaté que la greffe s’est traduite par une amélioration remarquable de l’évolution de la SP, qui a été maintenue durant une longue période. Cette amélioration a été révélée par l’absence d’apparition de nouvelles poussées et de nouvelles lésions inflammatoires du cerveau, voire, dans certains cas, par un rétablissement prolongé des fonctions.
Les résultats de l’essai sur la greffe de moelle osseuse s’avèrent très importants dans l’exploration des thérapies cellulaires contre la SP. Cet essai est unique en son genre au Canada, et bien que d’autres essais sur les cellules souches faisant appel à des techniques semblables à ce dernier aient été effectués à l’étranger, l’essai canadien est celui dont la période de suivi a été la plus longue de toutes, jusqu’à maintenant, fournissant ainsi des données à long terme sur les bienfaits de cette procédure. Certaines études connexes découlant de l’essai canadien sur la GMO ont fourni des indices quant à la raison de l’amélioration observée chez les participants. L’une d’elles a mis en lumière la capacité de la procédure d’empêcher les cellules immunitaires à l’origine de la maladie, en l’occurrence les Th17, d’être réintégrées dans le système immunitaire reconstitué. Une autre a permis d’obtenir des clichés d’IRM détaillés qui ont mené à la compréhension des mécanismes de réparation de la myéline. Maintenant que l’efficacité de la GMO est reconnue par la communauté scientifique, il est fort probable que la publication des résultats de l’essai canadien dans une revue médicale prestigieuse permettra d’accroître l’intérêt pour les thérapies cellulaires contre la SP.
Que cela signifie-t-il pour les personnes atteintes de SP? Bien que ce traitement par cellules souches soit réservé aux personnes qui présentent une forme très active de SP cyclique, il s’ajoute à la liste croissante d’options thérapeutiques offertes dans le traitement des différentes formes de sclérose en plaques, ce qui constitue une avancée positive en ce qui concerne la prise en charge personnalisée de la maladie. Les essais cliniques en cours dans le monde entier portant sur les cellules souches hématopoïétiques permettront peut-être de répondre à certaines des questions non résolues encore à ce jour, parmi lesquelles figurent les suivantes : « Ce traitement peut-il procurer davantage de bienfaits à un nombre accru de personnes atteintes d’une autre forme de SP? Existe-t-il une version différente de ce traitement qui comporte moins de risques, mais qui est tout aussi efficace? »
Enfin, les résultats de l’essai canadien sur la greffe de moelle osseuse sont enthousiasmants, puisqu’ils permettent de croire que la greffe de cellules souches jumelée à la suppression du système immunitaire en cause dans l’apparition de la SP constitue une option thérapeutique potentielle pour les personnes qui présentent une forme de SP cyclique à évolution très rapide et qui, autrement, ne pourraient probablement pas bénéficier des traitements actuellement sur le marché. Les risques associés à la chimiothérapie administrée demeurent toutefois un facteur majeur à prendre en compte dans le choix des personnes qui pourront être soumises à ce traitement. Ce qui nous réjouit par-dessus tout, c’est que les personnes atteintes de SP cyclique ont maintenant accès à de multiples traitements très efficaces, et bon nombre de médicaments candidats prometteurs sont en cours d’élaboration pour le traitement des formes progressives de SP. Le Dr Freedman dirige en outre l’étude MESCAMS, soit un essai clinique portant sur un traitement faisant appel à un autre type de cellules souches et ne requérant pas de chimiothérapie. Les résultats de ces travaux mèneront peut-être à la mise au point d’un traitement par cellules souches qui comportera cette fois de moins grands risques et qui sera accessible à un plus grand nombre de personnes atteintes de SP.
Mme Jennifer Molson a pris part à l’essai canadien sur la GMO. Son témoignage apporte une lueur d’espoir à bon nombre de personnes atteintes de SP. Mme Molson a reçu un diagnostic de SP à évolution rapide à l’âge de 21 ans, et son niveau d’incapacité a rapidement progressé. En peu de temps, elle s’est retrouvée dans l’incapacité de travailler et d’accomplir ses activités de la vie quotidienne sans l’aide de ses proches, alors qu’elle avait toujours été active et en santé. Le Dr Freedman, qui était son neurologue, lui a suggéré de subir le traitement de chimiothérapie suivi de la greffe de moelle osseuse alors à l’étude dans le cadre de l’essai clinique. Le rétablissement de Mme Molson a été long et difficile, mais aujourd’hui, elle n’éprouve pratiquement plus aucun symptôme de SP. Elle fait du ski alpin, porte ses chaussures à talons hauts, travaille à temps plein et profite pleinement de la vie.