Du 26 au 28 octobre 2022, le 38e congrès du comité européen pour le traitement et la recherche dans le domaine de la sclérose en plaques (European Committee for Treatment and Research in Multiple Sclerosis – ECTRIMS) a réuni des gens des milieux scientifique et clinique et du domaine de la santé de tous les coins du monde, virtuellement et en personne, à Amsterdam, aux Pays-Bas. Plus de 8 700 représentants et représentantes de plus de 100 pays ont participé à ce congrès, dont le programme scientifique, axé sur la recherche de pointe consacrée à la SP, comportait quelque 1 700 résumés et diverses présentations menées par 200 conférenciers et conférencières. Parmi les nombreux sujets abordés figuraient la SP pédiatrique, la SP progressive, le traitement et la prévention de la SP, la grossesse, la COVID-19 et plus encore. Voici quelques faits marquants du congrès de l’ECTRIMS 2022.
SP pédiatrique
Compréhension de la SP et d’autres maladies démyélinisantes chez l’enfant et l’adolescent
La Dre Brenda Banwell (Hôpital pour enfants de Philadelphie) a prononcé l’allocution d’ouverture du congrès et présenté un résumé des travaux de recherche menés depuis près de 20 ans dans le cadre du Programme canadien sur les maladies démyélinisantes (Canadian Pediatric Demyelinating Disease Program – CPDDP), financé par la Société canadienne de la SP, à savoir des travaux de recherche axés sur la compréhension des cas de SP diagnostiqués avant l’âge adulte. Avant la création du CPDDP en 2004, on savait peu de choses sur l’incidence et l’impact de la SP pédiatrique en lien avec la SP chez l’adulte. Il est maintenant reconnu que la SP peut survenir durant l’enfance ou l’adolescence (1 cas sur 100 000/année) et que la SP présente les mêmes caractéristiques au sein de tous les groupes d’âge, c’est-à-dire que les facteurs de risque (carence en vitamine D, exposition à la fumée secondaire, infection par le virus d’Epstein-Barr, obésité, facteurs génétiques) et les critères diagnostiques sont les mêmes pour la SP pédiatrique que pour la SP survenant à l’âge adulte. Le CPDDP a par ailleurs permis de démontrer qu’en cas de SP pédiatrique, on n’assiste généralement à aucune accumulation des incapacités durant les dix années suivant le diagnostic, alors que des changements surviennent dans le cerveau en développement dès le début de la maladie. En effet, lors des deux premières années qui suivent le diagnostic, on constate chez les enfants atteints de SP une augmentation du nombre de lésions cérébrales et une réduction du volume du cerveau (atrophie cérébrale). On observe également une atrophie du thalamus associée à des troubles cognitifs chez un enfant atteint de SP sur trois. De 30 à 50 % des enfants aux prises avec la SP vivent des épisodes de dépression et d’anxiété, ce qui démontre l’importance de la santé mentale en ce qui concerne les enfants atteints de SP et leur famille. Les travaux menés par la Dre Banwell et son équipe ont fourni des données essentielles sur les maladies démyélinisantes ainsi que sur l’impact et l’évolution de la SP durant l’enfance et l’adolescence.
Intervention de la Dre Banwell dans le cadre du balado de l’ECTRIMS : Episode 1: Day One Highlights of ECTRIMS 2022 (1er épisode – faits marquants de la première journée du congrès de l’ECTRIMS 2022).
SP progressive
Compréhension de l’incidence des gènes sur la gravité et l’évolution de la SP
Des équipes de recherche sont parvenues à cerner plus de 200 variantes génétiques influant sur la vulnérabilité à la SP. Toutefois, on sait peu de choses sur les gènes qui sont associés à la gravité et à l’évolution de la SP. Le Dr Adil Harroud (Université McGill) a présenté les résultats obtenus par un consortium international de recherche génétique sur la sclérose en plaques (International Multiple Sclerosis Genetics Consortium – IMSGC) dont les membres ont analysé des données de séquençage obtenues auprès de 12 584 personnes atteintes de SP, ce qui leur a permis de découvrir deux nouvelles variantes génétiques, baptisées rs10191329 et rs149097133, trouvées essentiellement dans le système nerveux central (SNC). Au sein d’une sous-population comptant 8 325 sujets vivant avec la SP, les personnes qui présentaient les variantes rs10191329 et rs149097133 ont vu leur degré d’incapacité s’aggraver plus rapidement et mis moins de temps à atteindre un score de 6 à l’échelle élaborée d’incapacités de Kurtzke (EDSS) – nécessitant le recours à des aides à la marche – comparativement aux personnes chez qui ces deux variantes étaient absentes. L’équipe de recherche a également constaté que la présence de la variante rs10191329 était associée à un taux de démyélinisation presque doublé et à un nombre accru de lésions. Le Dr Adil Harroud et son équipe estiment que la variabilité observée au chapitre de la gravité de la SP pourrait être attribuable aux gènes dans une proportion de 12,8 %. Ces observations s’avéreront utiles quant à la mise au point de nouveaux médicaments candidats destinés à cibler efficacement les variantes génétiques associées à la gravité de la SP (résumé de la présentation accessible ici).
Dernières nouvelles sur le traitement et la prévention de la SP
Dernières nouvelles sur le traitement et la prévention de la SP
Le syndrome radiologique isolé (SRI) consiste en une phase préclinique de la SP, caractérisée par la présence précoce de lésions semblables à celles de la SP dans le cerveau ou la moelle épinière, détectables lors des examens par imagerie par résonance magnétique (IRM), et ce, en l’absence de symptômes de SP. Le Dr Darin Okuda (centre médical Southwestern de l’Université du Texas) a présenté des résultats de recherche issus de l’étude ARISE , dans le cadre de laquelle une équipe de recherche a évalué l’impact d’une approche interventionnelle précoce chez des personnes ayant présenté un SRI afin de déterminer s’il était possible de prévenir ou de retarder l’apparition de symptômes de SP. Les scientifiques ont mené un essai clinique multicentrique, à répartition aléatoire et à double insu dans douze centres de recherche situés dans différentes régions des États-Unis en ayant recours au diméthylfumarate comme agent thérapeutique (pour en savoir plus sur les essais cliniques, il suffit de cliquer ici). En tout, 87 personnes ayant présenté un SRI ont été réparties aléatoirement pour recevoir une dose de 240 mg de diméthylfumarate ou un placebo (aucun traitement) deux fois par jour durant 96 semaines. Les résultats de l’essai clinique ont montré que l’administration du diméthylfumarate avait mené à une réduction de 80 % du risque de première manifestation clinique démyélinisante comparativement au groupe placebo. Les personnes ayant été traitées par le diméthylfumarate ont également présenté sur leurs clichés d’IRM une réduction du nombre de nouvelles lésions ou de lésions nouvellement agrandies. Le diméthylfumarate a été bien toléré parmi les gens ayant participé à l’étude. Davantage d’effets indésirables modérés ont toutefois été rapportés parmi le groupe traité par ce médicament comparativement au groupe placebo. Cependant, la survenue d’effets indésirables graves était comparable au sein des deux groupes. L’essai clinique dont il est ici question est la première étude dont les résultats révèlent une réduction du risque de première manifestation clinique démyélinisante à la suite de l’administration de diméthylfumarate à des personnes ayant présenté un SRI. Ces mêmes résultats démontrent les bienfaits d’une approche interventionnelle précoce en ce qui a trait à l’évolution de la SP (résumé de la présentation accessible ici).
Capacité de la supplémentation en vitamine D à prévenir la SP ou à retarder l’activité de cette maladie
Il a été établi que la carence en vitamine D figure parmi les facteurs de risque de SP. Dans le cadre de deux essais cliniques, une équipe de recherche a tenté de déterminer si la prise de suppléments en vitamine D pouvait prévenir l’apparition de manifestations de la SP ou réduire l’activité de cette maladie. Le premier essai clinique dont il s’agit ici est l’étude baptisée PREVANZ, menée en Australie et en Nouvelle-Zélande par M. Helmut Butzkueven, Ph. D. (Université Monash). Le chercheur visait à établir si une supplémentation en vitamine D chez les personnes ayant présenté un syndrome clinique isolé (SCI), dont le risque d’avoir la SP est élevé, pourrait prévenir ou retarder l’apparition de la SP cyclique (poussées-rémissions). Dans le cadre de cette étude, 204 personnes ayant présenté un SCI ont reçu différentes doses de vitamine D (1 000, 5 000 ou 10 000 UI par jour) tandis que d’autres ont reçu un placebo (aucune dose de vitamine D). Après 48 semaines d’un tel traitement, les scientifiques n’ont constaté aucune différence entre les deux groupes quant aux diagnostics de SP confirmés, ce qui indique que la prise de vitamine D ne constitue pas une approche efficace permettant de prévenir l’apparition de la SP cyclique parmi les gens ayant présenté un SCI (résumé de la présentation accessible ici).
Dans le cadre d’une autre étude menée par la Dre Ellen Mowry (Université John Hopkins), une équipe de recherche a tenté de savoir si la prise de vitamine D pouvait réduire l’activité de la SP chez les gens atteints de la forme cyclique de cette maladie. Les sujets à l’étude, qui vivaient avec la SP cyclique et étaient traités par l’acétate de glatiramère, ont reçu un traitement d’appoint consistant en la prise de doses élevées (5 000 UI par jour) ou de faibles doses (600 UI par jour) de vitamine D durant 96 semaines. Les scientifiques ont constaté qu’une forte supplémentation en vitamine D ne réduisait pas l’activité de la maladie parmi les personnes aux prises avec la SP cyclique. Par ailleurs, ils n’ont relevé aucune différence statistiquement significative en ce qui a trait aux poussées et aux résultats d’IRM (résumé de la présentation accessible ici). Les résultats de cette étude donnent à penser que la prise de vitamine D en traitement d’appoint ne permet pas de réduire l’activité de la SP chez des personnes atteintes de la forme cyclique de cette maladie.
Grossesse et SP
Issue de la grossesse chez les femmes atteintes de SP traitées par un agent ciblant la protéine CD20
La Dre Celia Oreja-Guevara (Centre hospitalier universitaire San Carlos) a rendu compte des derniers résultats d’une étude portant sur l’issue de la gestation chez des femmes atteintes de SP et traitées par l’ocrélizumab, agent thérapeutique ciblant la protéine CD20. À partir d’une importante base de données, les scientifiques ont cerné 2 020 grossesses parmi des femmes atteintes de SP et traitées par l’ocrélizumab. La plupart de ces grossesses ont abouti à la naissance d’enfants vivants (79 %), dont 57,1 % sont nés à terme (après 37 semaines de gestation) et 10 %, avant terme (avant 37 semaines de gestation). Les proportions de grossesses menant à la naissance d’enfants vivants, d’enfants nés à terme et d’enfants nés avant terme étaient comparables parmi les femmes traitées par l’ocrélizumab et celles qui ne recevaient pas ce médicament. Les observations faites à partir du vaste ensemble de données dont il est ici question portent à croire que l’exposition à l’ocrélizumab n’augmente pas le risque de naissance avant terme ou d’événements indésirables durant la grossesse, ce qui concorde avec d’autres observations faites antérieurement à partir de données épidémiologiques (résumé de la présentation accessible ici). L’issue de la grossesse chez les femmes traitées par un MMÉSP ciblant la protéine CD20 continuera d’être étudiée.
COVID-19 et SP
Vaccination contre la COVID-19 chez les personnes atteintes de SP
Deux ans après le début de la pandémie de COVID-19, des chercheuses et chercheurs se sont intéressés aux données collectées à l’échelle mondiale relativement à la COVID-19 chez les personnes qui vivent avec la SP. Généralement, la vaccination contre la COVID-19 a permis de réduire de façon significative le risque de complications graves de cette maladie chez les personnes atteintes de SP. La Dre Anat Achiron (Université de Tel-Aviv)a fait part de ses observations selon lesquelles les personnes traitées par l’ocrélizumab (médicament ciblant la protéine CD20) ou le fingolimod (modulateur des récepteurs de la sphingosine-1-phosphate) présentaient une réponse immunitaire moindre après la vaccination, alors que les personnes qui ne recevaient aucun traitement contre la SP ou qui étaient traitées par un autre MMÉSP bénéficiaient d’une réponse immunitaire normale. Le Dr Nikos Evangelou (Université de Nottingham) a fait part de données recueillies à l’échelle de la population et indiquant que l’utilisation de l’ocrélizumab et celle du fingolimod étaient associées à des taux plus élevés d’infection par la COVID-19 après la vaccination, comparativement à la population générale, ainsi qu’à une proportion plus importante d’hospitalisations et de décès liés à la COVID-19 par rapport aux autres MMÉSP (résumé de la présentation accessible ici). Ces résultats tendent à indiquer que les personnes atteintes de SP traitées par l’ocrélizumab et le fingolimod sont plus exposées au risque de contracter la COVID-19 même si elles sont vaccinées. Il importe que les gens qui vivent avec la SP consultent leur équipe soignante en vue d’optimiser l’efficacité de la vaccination dans leur cas et d’en savoir plus au sujet des autres mesures de prévention.
Ressources supplémentaires
Le présent article ne traite que de quelques-unes des avancées de la recherche sur la SP dont il a été question lors du congrès de l’ECTRIMS 2022. Tous les résumés de travaux de recherche soumis dans le cadre de ce congrès ont été publiés dans la revue Multiple Sclerosis Journal.
Pour connaître les faits saillants des trois journées du congrès de l’ECTRIMS 2022, écoutez le balado de l’ECTRIMS, présenté par Brett Drummond.
Pour obtenir un aperçu des sujets de recherche clés abordés durant le congrès de l’ECTRIMS 2022, écoutez l’épisode 270 du balado « RealTalk MS » de Jon Strum, daté du 1er novembre 2022 – « From the 2022 ECTRIMS Congress with Dr. Bruce Bebo » (le congrès de l’ECTRIMS 2022 selon Bruce Bebo, Ph. D.).