Le 35e congrès du comité européen pour le traitement et la recherche dans le domaine de la sclérose en plaques (ECTRIMS, de l’anglais European Committee for Treatment and Research in Multiple Sclerosis) s’est tenu du 11 au 13 septembre 2019, à Stockholm, en Suède. À cette occasion, près de 10 000 participants, notamment des chercheurs, des cliniciens et des représentants de l’industrie pharmaceutique, se sont réunis en vue de partager leurs connaissances et de découvrir les derniers progrès réalisés en matière de recherche sur la SP.
Ce congrès de trois jours comprenait un programme scientifique, des séances de formation et des conférences plénières, ainsi que des séances consacrées aux sujets d’actualité, aux travaux de jeunes chercheurs et à des présentations par affiches, qui visaient à faire connaître les derniers résultats de recherche sur la SP et à favoriser les discussions.
Force est de constater que des progrès remarquables ont été réalisés dans le domaine de la SP, qui a évolué prodigieusement au cours des 20 dernières années. En effet, il n’y avait que 1 700 participants au congrès de l’ECTRIMS en 1998 – un taux de participation record à l’époque –, alors qu’on en a dénombré près de 10 000 en septembre dernier.
Le congrès de cette année a mis en relief les principales lacunes à combler relativement à recherche sur la SP et au traitement de cette maladie, en particulier dans les domaines suivants : facteurs de risque et mécanismes pathologiques, imagerie, biomarqueurs, plan des études cliniques et nouvelles stratégies thérapeutiques.
L’un des principaux axes de réflexion du congrès consistait à déterminer comment utiliser les données obtenues dans un contexte de pratique clinique réel (données répertoriées dans les registres de patients, les bases de données administratives sur la santé, etc.), afin d’orienter les traitements contre la SP de demain. La Dre Maria Trojano (Université de Bari), conférencière principale, a expliqué comment ces données obtenues en situation réelle peuvent contribuer à l’approfondissement des connaissances sur l’efficacité des médicaments, les stratégies thérapeutiques, les facteurs qui influent sur la réponse thérapeutique, les profils d’innocuité et de tolérabilité des médicaments, et l’issue des grossesses. Plus précisément, elle a évoqué plusieurs nouvelles initiatives visant à nous permettre de tirer parti de ces données, d’une part, en évaluant et en améliorant leur qualité (p. ex., standardisation des données, validation des données au sein des ensembles de données, harmonisation des données de divers ensembles de données), et d’autre part, en mettant au point de nouvelles méthodes et de nouvelles stratégies pour les comprendre (p. ex. méthodes d’analyses statistiques pointues). En conclusion, les chercheurs se proposent de combler les lacunes qui persistent dans notre corpus de connaissances sur la SP en se posant les bonnes questions et en employant les bonnes méthodes.
Projets de recherche marquants
- Les résultats de deux essais cliniques de phase III démontrent que l’ofatumumab constitue un nouveau traitement efficace contre la SP cyclique
Le Dr Stephen Hauser (Université de la Californie à San Francisco) a présenté les résultats de deux essais cliniques de phase III (les études ASCLEPIOS I et ASCLEPIOS II) consistant à comparer l’efficacité et l’innocuité de l’ofatumumab (Novartis) à celles du tériflunomide (AubagioMD, Sanofi Genzyme) chez des personnes atteintes de SP cyclique. En se liant à la protéine CD20 présente à la surface des lymphocytes B, l’ofatumumab entraîne une déplétion de ces lymphocytes, tout comme le rituximab et l’ocrélizumab, et atténue ainsi l’inflammation dans le système nerveux central. On croit que l’ofatumumab se lie plus fortement à la protéine CD20 que les médicaments existants et qu’il serait plus actif que ces derniers. Les résultats de ces essais cliniques de phase III démontrent également que l’ofatumumab possède un profil d’innocuité favorable. Comparativement au tériflunomide, l’ofatumumab a entraîné une réduction significative (d’au moins 50 %) du taux annualisé des poussées, une diminution significative de la progression confirmée des incapacités après 3 et 6 mois, une inhibition significative des lésions rehaussées par le gadolinium (Gd), et une réduction du nombre de nouvelles lésions et de lésions évolutives (lésions ayant augmenté de volume). En somme, ce médicament s’est révélé capable d’entraîner une inhibition marquée de l’activité inflammatoire. Dans l’ensemble, l’ofatumumab est considéré comme un traitement sûr et efficace contre la SP cyclique à la lumière de ces résultats.
- L’administration d’un traitement par le natalizumab à des femmes enceintes atteintes de SP se traduit par une baisse de la fréquence des poussées durant la grossesse et la période postpartum
On dispose de peu de données permettant d’orienter les décisions thérapeutiques qui s’imposent avant, pendant et après la grossesse chez les femmes atteintes de SP, en particulier chez celles dont la maladie est très active. Pour y remédier, la Dre Doriana Landi (Université de Rome Tor Vergata) et ses collaborateurs ont examiné les taux annualisés de poussées chez des femmes enceintes sous natalizumab. Dans le cadre de leur étude, ces chercheurs ont constaté que le risque de poussées était plus faible chez les femmes qui avaient poursuivi le traitement par le natalizumab durant leur grossesse et la période postpartum que chez celles qui avaient cessé ce traitement avant de tomber enceintes ou qui y avaient mis fin prématurément. Le traitement par le natalizumab n’a été associé à aucune manifestation indésirable majeure chez les femmes enceintes ou leurs nouveau-nés. Cela dit, il y a eu un cas d’anémie chez un nouveau-né. Il faudrait observer un plus vaste échantillon de femmes pour mieux évaluer tous les risques encourus par les fœtus. Il est à noter que les femmes qui tombent enceintes doivent discuter avec leur médecin/neurologue de l’utilisation de tout médicament durant leur grossesse.
- Progrès réalisés en matière de traitement de la SP par cellules souches
On a démontré que la stratégie thérapeutique qui consiste à prélever des cellules souches hématopoïétiques autologues (CSHA) chez une personne atteinte de SP, puis à les réinjecter à cette dernière après une chimiothérapie, s’est révélée efficace parmi un sous-groupe de sujets aux prises avec une SP cyclique très active. La plupart des personnes qui ont reçu un traitement par CSHA ne présentent plus de signes d’activité de la maladie (absence de nouvelles poussées, absence de nouvelles lésions ou de lésions évolutives mises en évidence par imagerie par résonance magnétique [IRM]), et certaines d’entre elles ont vu leurs capacités fonctionnelles s’améliorer (veuillez consulter la page sur l’essai BMT [Canadian Bone Marrow Transplantation; essai canadien sur la greffe de moelle osseuse] pour obtenir de plus amples renseignements sur le sujet).
Outre la greffe de CSHA, les chercheurs se penchent sur le recours à d’autres types de cellules souches, telles les cellules souches mésenchymateuses (CSM), dont l’utilisation ne nécessite pas de chimiothérapie.
- Le Dr Antonio Uccelli (Université de Gène) a présenté les résultats préliminaires d’un essai clinique multicentrique et international de phase II consistant en l’évaluation de l’efficacité et de l’innocuité clinique de l’utilisation des CSM dans le traitement de la SP, dont le volet canadien a été financé par la Société canadienne de la SP. Les CSM sont des cellules souches adultes qui pourraient exercer des effets bénéfiques chez les personnes atteintes d’une maladie neurodégénérative, du fait de leur capacité à réduire l’inflammation, et du potentiel de protection de la myéline et de stimulation de la réparation de cette dernière qui leur est associé. En tout, 144 participants atteints d’une forme cyclique ou progressive de la SP ont été admis à cet essai international. Les données préliminaires confirment que le traitement est sûr, mais elles n’ont pas mis en évidence de variation significative de la réduction des lésions évolutives après 24 semaines parmi les personnes ayant reçu le traitement (il s’agissait là des deux principaux paramètres d’évaluation). Cela dit, une tendance à la baisse des poussées a été observée au sein de ce groupe. Une analyse approfondie des données permettra d’évaluer d’autres résultats cliniques et les effets sur la réparation de la myéline. Pour en savoir plus sur cet essai, veuillez cliquer ici.
- De nouveaux marqueurs biologiques de la SP – Les neurofilaments
La protéine NfL (Neurofilament light chain; chaîne légère des neurofilaments) est un constituant des cellules nerveuses dont la présence serait un signe de dégénérescence ou de lésions neuronales. Elle peut être décelée dans le sang dans le cas de nombreuses maladies neurologiques et compte parmi les nouveaux biomarqueurs de la SP à l’étude. Un biomarqueur est un indice mesurable dénotant un processus biologique, qui peut être utilisé comme facteur prédictif de la santé ou de la maladie.
- Le Dr Ludwig
Kappos (Hôpital universitaire de Bâle) a présenté des données sur la protéine NfL
en tant que nouveau biomarqueur de la SP et sur le lien entre sa présence et
les poussées et la progression de cette maladie. Les données probantes dont on
dispose actuellement indiquent que le taux de protéine NfL augmente non
seulement durant les poussées, mais également après la période de rémission.
- La Dre Kathryn Fitzgerald (John Hopkins School of Medicine) a présenté quant à elle des données qui montrent que l’élévation du taux de protéine NfL est associée à une détérioration de la fonction neurologique et à une augmentation du taux d’incapacités chez les personnes atteintes de SP. La poursuite des travaux de recherche sur cette protéine permettra d’évaluer son utilisation comme biomarqueur pronostique de la SP.
- Trois nouveaux traitements des troubles du spectre de la neuromyélite optique (TSNMO)
Le terme troubles du spectre de la neuromyélite optique (TSNMO) désigne un groupe de troubles neurologiques démyélinisants qui touchent les nerfs optiques et la moelle épinière. Ces troubles sont des entités distinctes de la SP, mais ils sont parfois difficiles à différencier de celle-ci, parce qu’il s’agit tout comme elle de maladies inflammatoires du système nerveux central. En tout, 90 p % des personnes atteintes d’un TSNMO ont une forme cyclique de leur maladie et sont en proie à des poussées (crises ou attaques) de celle-ci. Pour l’instant, un seul médicament a été approuvé par Santé Canada pour le traitement des TSNMO (éculizumab), et deux autres médicaments expérimentaux (inébilizumab et satralizumab) se sont révélés prometteurs à cet égard.
- L’éculizumab a été administré à des
adultes atteints d’un TSNMO (qui avaient obtenu un résultat positif au dosage
des anticorps anti-aquaporine 4 [anti-AQP4] dans le sang) dans le cadre de
l’étude PREVENT. Après 48 semaines, 97,9 % des participants qui
avaient reçu un traitement par l’éculizumab n’avaient subi aucune nouvelle
poussée, alors que ce n’était le cas que de 63,2 % des participants ayant
reçu un placebo. De plus, 100 % des sujets qui ont reçu cet agent en
monothérapie (c.-à-d. qui n’ont reçu aucun autre traitement que celui-ci)
n’avaient toujours pas subi de poussées après 144 semaines. Les
participants à cet essai ont également bénéficié d’une amélioration de leur
qualité de vie et de leur mobilité et d’une atténuation de leur douleur et de
leurs incapacités. Les effets indésirables qui ont été signalés le plus souvent
durant cet essai clinique sont les infections des voies respiratoires
supérieures, les céphalées (maux de tête), la rhinopharyngite et les nausées.
La monographie de l’éculizumab comprend une mise en garde encadrée relative au
risque d’infection à méningocoque potentiellement mortelle, mais aucun cas
d’infection à méningocoque n’a été rapporté lors de l’essai PREVENT.
- L’inébilizumab a été administré à des adultes atteints d’un TSNMO (qui avaient obtenu un résultat positif ou négatif au dosage des anticorps anti-AQP4 dans le sang) dans le cadre de l’essai N-MOmentum. Le risque de poussée a diminué de 77,3 % au sein du groupe de sujets porteurs d’anticorps anti-AQP4 et de 72,8 % parmi l’ensemble des participants traités (qu’ils soient porteurs ou non de ces anticorps). En outre, une réduction significative des incapacités, des hospitalisations et des lésions mises en évidence par IRM a été observée au sein du groupe traité.
- L’essai SAkuraStar, qui portait sur l’utilisation du satralizumab chez des adultes (ayant obtenu un résultat positif ou négatif au dosage des anticorps anti-AQP4 dans le sang), a mis en évidence une réduction significative (55 %) du risque de poussée au sein du groupe traité. De plus, ce risque a diminué de 79 % chez les participants qui étaient porteurs d’anticorps anti-AQP4.
Il ne s’agit là que d’un aperçu des dernières données de recherche intéressantes sur la SP.
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